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saint-siège lui enlevait tout intérêt à le faire. Le gouvernement lui disait chaque année : Vous n’exporterez que la quantité de grains à laquelle vous serez autorisé pour la saison.

L’échelle mobile a été la règle des douanes sous les derniers papes. Quand le blé était abondant, c’est-à-dire à vil prix, on permettait au producteur d’en écouler ; mais, quand les grains étaient rares, c’est-à-dire coûteux, le producteur avait défense de s’enrichir par l’exportation. De cette mesure, il est résulté pour les états romains une certaine moyenne dans laquelle se maintenait toujours le prix du pain, et aussi une incurable atonie dans la production. Là, autant que dans la dépopulation des campagnes, il faut chercher les motifs du peu de développement donné à la culture des grains dans l’agro romano. L’ambition, l’espoir de s’enrichir, auraient seuls pu stimuler le zèle des exploitans. Les papes, quand ils voulurent étendre les champs de blé, ont échoué dans leurs efforts précisément par suite de cette fausse mesure. Les meilleures intentions se brisent contre l’écueil du préjugé. Le libre échange rencontrait assez d’adversaires ailleurs pour être mal vu en terre théocratique. Faute de liberté, on peut le dire hardiment, le blé mourait dans le patrimoine du saint-père. Nous ne doutons pas que l’annexion de Rome au royaume d’Italie, en autorisant les spéculations du producteur, ne stimule singulièrement la culture, et ne permette au marchand de campagne d’offrir un loyer supérieur à la condition de pouvoir étendre ses labours. Il est sûr désormais d’avoir un marché devant lui, un écoulement illimité pour ses grains. Ainsi, sans sortir des habitudes de la grande culture, qui seront en pratique peut-être pendant longtemps encore, on a l’espoir de voir peu à peu disparaître les landes de l’agro romano pour faire place aux guérets. Alors les grands troupeaux de bœufs seront des forces plus utiles. Pourquoi, au lieu de les employer au hersage, faire un coûteux cassage à la main ? La charrue en réclamera un plus grand nombre, et leur valeur augmentera par là même. Les pacages qui les nourrissent bénéficieront aussi d’une plus-value. La classe si intéressante des mercanti di campagna se multipliera par suite de l’esprit d’entreprise. Il y a longtemps déjà qu’ils étudient les cours des marchés européens pour y hasarder leurs gros capitaux ; ils seront à l’avenir plus spécialistes, plus producteurs et moins banquiers. Quand au labour ils pourront joindre l’industrie agricole proprement dite, ils seront dans le vrai de leurs attributions.

La première des conditions pour transformer l’économie rurale de la campagne romaine, c’est la division de la propriété. Nous n’entendons pas par là le partage en plusieurs lots de chaque grand domaine sans changement de propriétaires. Il y a longtemps que