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richesses qui se trouvait à moitié tarie par suite de l’imperfection des procédés économiques du pays.

Quant aux bœufs gris de race orientale et barbare, ils ne sont pas l’idéal du genre : leur charpente trop osseuse se prête mal aux besoins de la boucherie[1] ; mais elle s’adapte à merveille aux besoins plus grands du labour. À ce point de vue, elle peut rendre des services incalculables, et nous voici amenés à parler du peu de culture qui s’est faite jusqu’ici par ce moyen.


III

Les pâturages dont nous venons de parler et les bois aussi fort souvent font partie des grandes exploitations rurales qu’on appelle tenute (tenues), parce que les entrepreneurs ou marchands ruraux les tiennent à loyer des propriétaires. Le centre de la tenuta est ordinairement un vieux bâtiment auquel le nom de ferme ne peut convenir qu’imparfaitement. Lorsqu’on parcourt du regard la solitude, l’œil s’arrête çà et là sur des points gris dont on ne sait de loin si ce sont des ruines ou des fermes. Ces points sont de grandes constructions plus ou moins régulières, d’aspect féodal, élevées pour la plupart en des temps plus prospères. Des murs en glacis les font ressembler par le bas à des citadelles ; souvent des grilles aux ouvertures inférieures complètent l’illusion. Beaucoup ont eu cette destination, mais les hommes d’armes en sont partis. Approchez : plusieurs de ces monumens n’ont plus de fenêtres, la porte seule est encore debout. Comme dépendance du bâtiment principal, on est surpris de trouver parfois des constructions voûtées d’époque romaine ; la ruine antique sert de substruction au délabrement moderne. Entrez, si les débris et les immondices vous le permettent. En bas, les bœufs et les chevaux ; au-dessus nichent des rustres, comme des oiseaux de proie dans les trous d’une tour. A quelque distance, un fenil moitié ouvert, d’où s’échappent des senteurs de fourrages entassés. Plus souvent une ou deux meules noircies à l’air indiquent l’amas de provisions. L’ensemble des cours, s’il y en a, dégage une odeur sui generis, mélange de fumier, de fange détrempée, de foins décomposés, de salpêtre et de plâtras, qui se sent aussi dans les faubourgs de Rome. La pelle ni le balai n’ont passé par là ; telle quelle, cette masure appartient ou à un prince qui n’y mit jamais les pieds, ou à des associations religieuses qui ne s’en soucient guère.

Connaissez-vous Palo ? Notre cavalerie, qui y a été casernée, ne

  1. Qui croirait qu’en ce pays de grand élevage on importait des bœufs de boucherie, tant les soins d’entretien étaient insuffisans pour produire la viande !