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à peu près, et pourtant le fond de l’agro romano est incomparablement meilleur que la majorité de nos terrains, le tort, c’est de lui demander de produire ce qui ne réussit bien qu’en Normandie ou en Angleterre, de l’herbe. On exploite des plaines arides comme si c’étaient les monts eu les vallées des Alpes, on exige du vert là où six mois de l’année il ne peut y avoir que du sec. Il n’en peut résulter que des dommages au point de vue économique. Pourquoi attendre des graminées sur les pentes destinées au figuier ? Aussi, au lieu de prés, a-t-on de simples pacages. La distinction n’est pas subtile, elle n’est que trop réelle pour le bien du pays. Un pré, nous le savons, est chose aussi productive et bien moins onéreuse qu’un guéret, mais encore faut-il mettre chaque chose à la place sous peine de pertes incalculables. Le sol de Rome a une grande valeur latente qu’il serait sage de faire sortir du sommeil ; il ne souffre que d’une stérilité d’occasion.

Il est vrai que deux fois par an, après les pluies, les pacages reverdissent de manière à faire croire que l’herbe est là dans sa vraie patrie ; mais un homme expérimenté en ces matières ne peut se faire illusion sur la composition médiocre des pâturages romains. Les graminées y sont trop rares, les légumineuses fort espacées ; il y a plus de vides entre chaque plante que d’espace occupé par les plantes elles-mêmes. Celles-ci ne tallent pas assez ; au printemps, elles montent fort haut, trop haut même, puisque le pied s’en trouve appauvri, et, quand la fenaison est faie, la sécheresse tue la racine dénudée. La dent des bestiaux affamés qu’on y lâche hors de saison achève la destruction des meilleurs élémens de la prairie. La facilité des semailles spontanées, la maturité parfaite à laquelle arrivent les graines est probablement ce qui sauve le sol d’une nudité absolue. Il y aurait peut-être moyen d’exploiter ces solitudes à l’état d’herbages, mais il faudrait pour cela y semer des plantes résistantes, capables de s’approprier le terrain à la longue, comme aussi de verdir pendant la sécheresse. Le ray-grass est bon pour l’Angleterre, et la luzerne, le sainfoin, ne semblent-ils pas destinés aux ondulantes plaines du Latium ? Or le conseil de semer des herbages ferait sourire les pâtres romains, et, à vrai dire, les mercanti di campagna eux-mêmes ne pourraient guère l’essayer dans les conditions de leurs baux, de leurs charges et de leur mode d’exploitation. Tels quels en effet, ces prés négligés ou ces pacages mal tenus donnaient presque le seul produit qu’il fût possible d’en tirer sous le régime de la vieille économie pontificale. Tant que le cultivateur ne résidera pas sur place, tant qu’on ne lui fournira ni bâtimens ruraux ni manouvriers établis à poste fixe, il sera bien réduit aux procédés les plus élémentaires. Nous croyons même que les