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provinces flamandes, isolées par leur langue du reste de la nation et de la Hollande par leur foi. Parmi les députés de ces provinces, qui forment la moitié du pays, il n’y en a plus que deux qui soient libéraux, et encore ne sont-ils nommés que grâce à une situation personnelle que le clergé n’a pas osé attaquer. La Belgique a fait deux tentatives pour échapper à la domination ultramontaine, et deux fois elle a échoué. Au XVIe siècle, émancipés par les richesses et les lumières que leur avaient données le commerce et l’industrie, les Flamands avaient brisé le joug ; les Wallons, ralliés aux Espagnols, ont aidé à les asservir de nouveau. Au XIXe siècle, l’industrie s’étant déplacée, ce sont les Wallons qui luttent en ce moment ; mais les Flamands, aujourd’hui complètement soumis à Rome, servent à leur tour d’instrument pour soumettre les Wallons à la suprématie du clergé. Ce que l’on appelle « la question flamande, » à laquelle le réveil des nationalités dans toute l’Europe donne une importance croissante, est une arme de plus que les libéraux ont négligée, et dont les catholiques ont su très habilement tirer parti. Ce point mériterait une étude à part : il suffira de dire que, plus on étendra le droit de suffrage, plus les Flamands auront de pouvoir et montreront d’exigence. Aussi le ministère d’Anethan s’est-il empressé d’abaisser le cens pour les élections communales, où la constitution n’avait point posé de minimum, et les libéraux craignent, aux élections qui auront lieu cette année, de perdre dans les provinces flamandes l’administration des grandes villes qu’ils conservaient encore. Ce serait un coup terrible pour le parti libéral et même pour la nationalité, car il livrerait le pays flamand à la domination absolue du clergé.

Concluons : le danger qui menace l’avenir de la Belgique provient de la puissance croissante du parti de l’église, à qui les couvens, les populations flamandes, le sentiment religieux, la chaire et le confessionnal donnent une influence presque irrésistible. Ce parti, par l’organe de ses journaux, de ses écrivains, de son université, se dit prêt à obéir en tout à Rome et aux doctrines du Syllabus qui condamnent les libertés modernes. Le moment viendra donc où ces libertés seront minées et attaquées en Belgique. Le parti libéral, appuyé sur les grandes villes, tentera-t-il de résister ? La royauté, gardienne de la constitution, s’efforcera-t-elle de protéger la minorité et de défendre l’indépendance du pouvoir civil, et, si elle le tente, réussira-t-elle ? Comme le montrait récemment, l’histoire à la main, un poète national, M. Potvin, depuis le XVIe siècle, tous les soulèvemens populaires ont eu lieu à la voix du clergé. Il a renversé déjà deux trônes, celui de Joseph II et celui de Guillaume Ier, et en ce moment même il ne ménage guère le souverain qui a fait