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naturels et utiles dans une telle œuvre, où la France peut trouver dans ses malheurs un supplément de richesse et de force.

Quand on nous enlève des provinces par la toute-puissance de la conquête, c’est bien le moins que par notre faute nous ne laissions pas stérile un territoire dont nous pouvons faire un royaume sur l’autre bord de la Méditerranée, que nous ne négligions rien de ce qui peut maintenir le juste ascendant de notre pays dans le monde. C’est le vrai moyen pour la France de reconstituer sa situation, de se faire respecter, de retrouver des alliances, un rôle aussi utile à l’Europe qu’à elle-même. La Prusse, à la vérité, veut bien nous dire aujourd’hui qu’elle a pourvu à tout, qu’elle assure la paix par les relations cordiales qu’elle a su renouer ou entretenir avec les deux empires voisins de l’Allemagne. Plusieurs fois depuis quelques mois elle a voulu nous donner le spectacle de ses intimités, tantôt avec l’Autriche cet automne à Salzbourg, tantôt avec la Russie dans ces fêtes récemment données par l’empereur Alexandre au prince Frédéric-Charles et au général de Moltke, qui se sont rendus à Saint-Pétersbourg pour assister à un chapitre des chevaliers de Saint-George. M. de Bismarck, cultive ses voisins, il s’efforce d’intéresser la Russie et l’Autriche à la paix, qu’il prétend n’être menacée que par la France. Soit ; seulement il est fort probable que la Russie et l’Autriche ne se laisseront persuader que dans la mesure de leurs intérêts, et les autres états de l’Europe, l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne, feront comme l’Autriche et la Russie. Sans rien exagérer, on peut dire que, si la France a eu des envieux dans ses prospérités, elle ne compte guère d’ennemis dans son infortune. Tous les autres peuples sont bien plus intéressés à la voir se relever de ses ruines, reprendre sa place dans le monde, et c’est encore une des conditions heureuses de cette année qui commence.

CH. DE MAZADE.


THÉATRE-FRANÇAIS.
Christiane, comédie en quatre actes, par M. Edmond Gondinet.

Le principal mérite de la pièce aimable qui vient d’être représentée au Théâtre-Français est d’avoir quelque chose de doux, de bon, qui calme et repose. C’est une boisson rafraîchissante, acceptée d’autant plus volontiers par le public qu’il est plus las des liqueurs diaboliques qu’on lui sert avec tant d’insistance dans des verres si bien taillés. L’auteur de Christiane n’aurait-il eu que la seule intention de protester contre les audaces et les violences malsaines dont abuse notre théâtre que nous applaudirions des deux mains. La pièce nouvelle, fort heureusement, a d’autres titres encore à l’estime des honnêtes gens : elle renferme des scènes agréables, des mots piquans, des situalions heureuses. Son