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mais dont on ne peut se passer à Paris, « pas plus que de boire et de manger ou de politiquer. » On y trouve jusqu’à l’idée premiers des carrosses de remise à la date du 4 décembre 1723 : « Une compagnie a promis de voiturer Paris plus commodément qu’il ne l’est par les fiacres, qui seront, dit-on, abolis. On doit établir cinq cents carrosses uniformes garnis de glaces et attelés de bons chevaux. Les cinq cents cochera seront habillés de rouge avec une marque qui les puisse faire reconnaître lorsqu’ils seront insolens. Les carrosses ne resteront point sur les places, pour ne pas embarrasser les passages, mais dans des remises choisies aux endroits les plus commodes de Paris. » On voit que le zèle des nouvellistes rivalisait avec l’ardeur de curiosité qui leur demandait des nouvelles.

La correspondance finit le 24 décembre 1724. Les disgrâces qui frappèrent les membres éminens de la famille, la mort qui faisait dans ses rangs des vides cruels, les dispersions qui en furent la suite, attristèrent sans doute ce qui restait de cette noble société, et brisèrent ou refroidirent ce commerce des âmes et des esprits dont nous avons retracé la piquante vivacité. Le marquis de La Cour mourut en 1726 ; les doux Caumartin, M. et Mme d’Argenson, sans parler d’autres parens moins célèbres, avaient depuis quelques années disparu ; quant à la marquise, elle atteignit le milieu du siècle, et put voir, avant de mourir en 1749, l’essor de fortune politique qui éleva si haut ses neveux d’Argenson, et les progrès éclatans qui signalèrent le génie de leur ami « Haroüet. » Ses deux fils, dont l’aîné était devenu colonel de dragons sous la régence, parvinrent l’un et l’autre au grade de lieutenant-général. Leur nom, vaillamment porté, se soutint avec honneur dans les armées royales jusqu’à la fin de l’ancien régime ; — soixante-dix ans après l’époque que nous venons d’examiner, nous le retrouvons mêlé à l’histoire sanglante de la terreur. En parcourant la liste des victimes du tribunal révolutionnaire, on rencontre « Charles-Auguste de La Cour de Balleroy, lieutenant-général, condamné à mort le 6 germinal an II, avec François-Auguste, son fils, maréchal-de-camp. » Or le second fils de la marquise, ce chevalier de Malte qui sortait de l’académie en 1722 et pour qui l’on avait ambitionné la compagnie des mousquetaires du cardinal Dubois, se nommait Charles-Auguste, il était lieutenant-général : marié en 1752, selon La Chesnaye des Bois, il eut un fils et deux filles. Serait-ce donc ce même chevalier de La Cour, le fils de la belle Emilie, le contemporain du régent, le neveu des Caumartin, — celui qui avait un jour fixé l’attention de Mme de Sabran, celui de qui son père écrivait en 1719 : « Je ne crois pas que le chevalier ait eu l’esprit de ramasser au loin des œufs de perdrix pour les faire couver au logis par des poules, j’ai peur que cela ne le passe ? » — serait-ce lui qui,