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en Allemagne par Scheid pour les Origines Guelficœ, en Italie par Muratori pour les Antiquités d’Est, MM. de Stillfried et Märcker se distinguent profondément des généalogistes vulgaires tels qu’avaient été, chez les Allemands, Spener, Imhoff, Huebner, tels qu’ont été en France Chazot, La Chesnaie des Bois, tous complaisans rédacteurs des prétentions de la vanité privée. Les Monumenta Zollerana ont pris place parmi les ouvrages sérieux de la science historique, et fait prévaloir l’autorité du vrai dans l’histoire trop flattée d’une grande famille régnante. Grâce aux Stillfried, aux Stälin, un prodigieux échafaudage de mensonges et de chimères s’est complètement écroulé ; toute prétention d’affinité des Zollern, soit avec les Étichonides, soit avec les Welfs d’Altorff, soit avec des dignitaires carlovingiens, s’est dissipée, et les anciens burgraves de Nuremberg, antérieurs à l’an 1200, ont même été retranchés de la maison royale, à laquelle une croyance établie les avait attribués jusqu’alors. Les Zollern sont remis à la place qu’ils avaient au XIIe siècle, celle d’une simple, mais noble maison comtale de la Souabe, qui arrivait alors seulement à la notoriété. On demeure confondu quand on compare ces résultats de la science contemporaine avec l’incroyable étalage de généalogies fabuleuses, de mensonges insignes, même de pièces supposées ou falsifiées, qu’on rencontre dans de gros livres réputés fort érudits, tels que les Nordgauische Alterthümer de Falkenstein en 4 vol. in-folio, et l’histoire même des burgraves de Nuremberg de M. OEtter, qui a trompé les auteurs de l’Art de vérifier les dates.

Elle n’est point vaine, cette connaissance exacte de l’histoire des châteaux et des maisons illustres, appliquée surtout au moyen âge. Cette époque tout entière est dans les monastères et les châteaux. L’histoire des religions et des maisons en est la clé ; on l’a trop négligée dans notre littérature contemporaine. Les fondateurs sérieux de l’histoire moderne, tels que Duchesne et les bénédictins, avaient autrement apprécié l’importance de l’histoire des grandes maisons féodales pour l’éclaircissement de notre histoire nationale elle-même. Maîtresses du sol pendant tant de siècles, ces puissantes familles y ont laissé la trace profonde de leur passage. Quand on pénètre dans l’histoire intérieure de quelqu’une de nos provinces à une époque reculée, on demeure surpris de voir certains noms apparaître partout à la fois, et la vie entière du pays se concentrer dans un petit nombre de maisons. Leurs possessions s’étendent à toute la province, toute propriété privée émane d’elles. C’est un réseau qui couvre la contrée et la retient longtemps dans ses lacets. Entraînés par l’école philosophique du dernier siècle et par la séduction d’écrivains d’un grand talent, nous avons abandonné trop