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grande puissance maritime. Seulement il est admis jusqu’à présent que la protection de la marine commerciale en pleine mer est l’un des attributs du gouvernement impérial ; lui seul doit avoir des flottes de guerre et des armées navales. Victoria, dont le budget est toujours riche, s’est donné une école de matelots et entretient un navire cuirassé ; mais ce n’est qu’un des accessoires de la défense du port Philipp : ce serait, en cas d’hostilités, une médiocre ressource contre les poursuites des corsaires ennemis.

Les natifs que rencontrèrent les pionniers de l’Australie étaient des sauvages étrangers à toute notion de la vie civilisée ; faibles, ignorans, craintifs, ils s’enfuyaient loin des habitations ou s’apprivoisaient en peu de temps. Ils étaient au reste peu nombreux, et là même où, comme dans la Terre-de-la-Reine, ils eurent l’audace de faire la guerre aux Européens, leur résistance fut courte et sans gravité. Dans la Nouvelle-Zélande, la situation respective des Européens et des indigènes était bien différente. Les Maoris, —tel est le nom des barbares habitans de ces îles, — sont des hommes robustes, énergiques, capables de s’assimiler les idées de l’ancien monde. Ils ont appris l’usage des armes à feu, qu’un commerce de contrebande leur livre en aussi grande quantité qu’ils en ont besoin. Ils vivent en commun sous l’autorité de rois indigènes, et ils tiennent à conserver leurs terres autant que les colons désirent les acquérir. Ces peuplades belliqueuses étaient sans cesse en guerre les unes contre les autres avant l’arrivée des Européens, si bien que les Maoris de l’île méridionale avaient été presque complètement anéantis par leurs rivaux de l’île du nord. Ces derniers se réfugièrent, quand les Anglais étendirent leurs établissemens, dans le massif montagneux de Waikato.

Le premier sujet de discorde entre colons et natifs fut l’occupation d’un certain territoire qu’un chef maori avait vendu contre le gré de ses sujets. En présence de ces difficultés, la politique du gouvernement impérial fut dès le principe ferme et conciliante. Les hommes d’état anglais se sentaient en face d’une race vigoureuse qui, loin de sa laisser anéantir facilement comme les Peaux-Rouges de l’Amérique du Nord ou les nègres de l’Australie, montrait quelque disposition à se mêler aux Européens. Enrôler les indigènes les plus belliqueux dans l’armée et dans la police, employer les plus robustes aux travaux des routes, placer les hôpitaux, les maîtres d’école, les missionnaires et même les caisses d’épargne à leur portée, faire trancher par des magistrats les litiges auxquels donnaient lieu la vente et l’achat des terrains, enfin pensionner généreusement les chefs des tribus amies, telle fut la politique prescrite en 1849 au gouverneur-général de la Nouvelle-Zélande, après qu’une première guerre eut démontré ce que valait