Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dominion. Ce serait le lien entre les membres isolés des possessions britanniques, si le projet un peu chimérique d’un chemin de fer de l’Atlantique au Pacifique se réalisait promptement vers le 52e degré de latitude. Il est permis de douter que l’extrême nord de l’Amérique acquière assez de cohésion pour se maintenir en entier à l’état de confédération indépendante. La Colombie britannique rentre dans le rayon d’activité des états de Washington et de l’Orégon. Les établissemens canadiens du Fort-Garry et de la Rivière-Rouge, n’ont d’issue que par le Minnesota. L’unité de gouvernement n’a sa, raison d’être qu’entre les provinces qu’arrose le Saint-Laurent. A moins que les défrichemens ne prennent dans l’ouest un essor inattendu, c’est à cela que doit se borner la confédération canadienne, et sans doute alors elle aura la force de résister à l’attrait d’une fusion intime avec l’Union américaine.

Le groupe de colonies que les Anglais ont créé depuis quatre-vingts ans dans les mers du sud est désigné par eux sous le nom d’Australasie, expression géographique nouvelle et peu connue. Cela comprend les six états de l’Australie et la Nouvelle-Zélande, en tout plus de 2 millions d’habitans d’origine européenne dans une région du globe où il n’y avait que des sauvages au siècle dernier. La transportation des criminels, dont les Australiens voudraient effacer aujourd’hui les moindres traces, fut, quoi qu’ils en disent, l’élément essentiel de la colonisation pendant les trente ou quarante premières années. La découverte de l’or, qui survint à l’époque où la transportation disparaissait, attira de nombreux immigrans ; mais ce ne fut pas la richesse des minerais aurifères qui les retint et qui doubla la population en peu d’années, ce fut une sage distribution des terres vacantes entre les nouveaux arrivés. On a vu plus haut que l’île du Prince-Edouard souffre encore des mesures agraires qui furent prises lors de la première occupation européenne ; on verra plus tard que des obstacles de ce genre s’opposent à la prospérité des Indes occidentales. En Australie, après quelques hésitations passagères, la question finit par être résolue en conformité de certains principes très sages que sir Ch. Adderley développe avec une netteté parfaite dans son ouvrage sur la politique coloniale.

Au début d’une colonie, la terre n’a pas de maître ; elle appartient à la couronne, qui peut en donner ou en vendre suivant qu’il lui paraît préférable. Le système des concessions gratuites fut vite abandonné ; il favorisait les spéculateurs, qui se faisaient délivrer plus de terrains qu’ils n’en pouvaient cultiver ; d’ailleurs il transformait chaque immigrant en petit cultivateur, ce qui laissait subsister la pénurie de main-d’œuvre, il privait enfin le pays d’une recette importante. Lord Grey, qui était ministre des colonies lorsque