Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

curieuse que la mythologie norrène attribuait à la Terre-Mère ce symbole du navire, rappelant soit l’ouverture de la navigation, soit la visite souhaitée, promesse de fécondité et de richesse, que Tacite semble réserver à Isis. Toute divergence et toute confusion disparaissent si la Terre-Mère et Isis peuvent être considérées comme une seule et même divinité, connue en Germanie sous différens aspects et différentes désignations, parmi lesquelles celles de Freya et particulièrement celle de Nerthus, chez les tribus gothiques, auraient été les principales. Nous avons vu trois noms, parmi ceux des jours de la semaine, reproduire les noms de trois divinités germaniques : Odin, Thor, et Tyr ou Zio ; le vendredi à son tour a été désigné comme le jour de Vénus par les Romains, comme le jour de Freya par les barbares : nouvel indice de l’identité entre Freya et Vénus, considérées toutes deux comme déesses de la fécondité, de la génération, et se confondant ainsi avec Isis et Nerthus ou la Terre-Mère.

En dehors de ces principaux dieux, Tacite en a mentionné quelques autres de second ordre, au sujet desquels il n’est pas beaucoup plus facile de s’éclairer. Il cite par exemple, chez une tribu du Waldgebirge, un bois dès longtemps consacré, dit-il, par la religion. « Le soin du culte y est remis à un prêtre en habit de femme. Ce culte s’adresse à des dieux qui, dans l’olympe romain, seraient Castor et Pollux. Point de statue, nulle trace d’une origine étrangère ; mais ce sont bien deux frères, tous deux jeunes, qu’on adore. » Ainsi par le Tacite ; il est probable qu’il fait allusion à quelque dédoublement pareil à celui qui a produit les Açvines de la religion indienne, les Dioscures de l’antique Grèce, et les lares tutélaires (lares prœstites) de l’ancienne Rome, devenus peut-être le type de Romulus et Rémus.

Qu’est-ce encore que la déesse Tanfana, dont parle Tacite au premier livre de ses Annales ? Ce nom de divinité ne se rencontre que chez lui, car il ne faut plus invoquer une inscription fabriquée au XVIe siècle par le célèbre faussaire Ligorio, qui en a fait usage avec une orthographe de fantaisie. Jacques Grimm renonce à peu près à l’expliquer dans sa Mythologie ; mais, au dixième chapitre de son Histoire de la langue allemande, où il expose sa thèse des rapports entre les anciens Scythes et les Germains, il croit pouvoir assimiler la Tanfana germanique à la divinité scythique Tabiti. A l’un et l’autre nom il donne pour étymologie un développement de la racine sanscrite tap, être chaud, brûler, d’où il tire également les mots templum et taphos, signifiant, au temps où la crémation des corps était en usage, l’endroit où se brûlait le cadavre et le monument où l’on renfermait les cendres. Hérodote (IV, 59) nous dit que Tabiti était la Vesta ou Hestia des Scythes ; aux yeux de