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d’abord des traces de son antique prééminence. Tacite vient de nous dire qu’on lui sacrifiait, non pas comme à Odin des victimes humaines, mais seulement certaines sortes d’animaux. Ailleurs cependant il le nomme avant Mercure, et le montre honoré, lui aussi, par des sacrifices humains. Dans une guerre entre les Hermundures et les Cattes, l’armée vaincue, bêtes et hommes, fut égorgée, dit-il, par suite d’un vœu, en l’honneur de Mars et de Mercure. Au livre IV des Histoires, les Tenctères indépendans, lorsqu’ils félicitent avec une certaine ironie les Ubiens de Cologne d’être enfin, par la révolte de Civilis, délivrés des Romains, adressent leurs actions de grâces aux dieux de la Germanie en général, mais spécialement à Mars, « le premier des dieux. » Jornandès dit que les Goths honoraient Mars par des sacrifices humains. Enfin Procope assure formellement de plusieurs peuples germaniques qu’Ares est leur principal dieu. Quant aux cérémonies de ce culte, celle que Tacite décrit dans son trente-neuvième chapitre est fort obscure pour nous. Il en a placé la scène chez les Semnons, les plus anciens et les plus nobles d’entre les Suèves. « Ils ont, nous dit-il, des délégués qui se réunissent à des époques marquées dans un bois vénérable. Nul ne peut entrer dans ce bois sans être attaché par un lien, symbole de sa dépendance et hommage public à la puissance du dieu. Vient-on par hasard à tomber, il n’est pas permis d’être relevé ni de se relever soi-même : il faut sortir en se roulant par terre ; tout se rapporte ici à l’idée que, dans ce bois, berceau de la nation, réside la divinité souveraine. » Ainsi par le Tacite sans plus d’explication. Il est très probable que le dieu barbare dont il décrit le culte de la sorte est bien celui que les Romains avaient identifié avec Mars. Sur un manuscrit de l’ancien couvent de Wessobrunn, qui donne des textes de la vieille langue germanique, on trouve, appliquée précisément aux Suèves ou Souabes, l’épithète de Cyuuari, que Zeuss et Grimm traduisant par « hommes ou adorateurs de Zio. ». La ville d’Augsbourg, en Souabe, porte dans les anciens documens le nom de Ziesburc. — Pour ce qui est des prescriptions bizarres mentionnées par l’historien, y a-t-il ici quelque rapport avec le septième chantre de la Germanie, où il est dit que le prêtre seul a le droit de punir, de frapper et de charger de chaînes ou de liens, vincire ? Serait-il fait quelque allusion à une sorte d’attaches mystiques reliant l’homme et la divinité ? Est-ce l’occasion de rappeler les anciens chants tudesques retrouvés à Mersebourg, où il est parlé des liens que préparent les nornes pour les prisonniers, et des formules religieuses qui feront tomber ces liens ? Deux mots analogues, dans la langue des Eddas, höpl et bönd, signifient à la fois les chaînes ou les liens et les dieux eux-mêmes. Odin y est appelé haptagud, dieu des dieux ou des liens. L’autel des Ubiens, mentionné par Tacite dans