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a signifié, dans un âge antérieur, quelque chose de plus, car il est identique au sanscrit dyaus, qui s’est appliqué d’abord à la voûte céleste, à la lumière, puis à l’Être suprême, et est devenu le mot Dieu, Theos, Deus, etc. De quelle manière peut-on conjecturer que le nom désignant d’abord la lumière, puis la divinité par excellence, ait été plus tard la simple appellation du dieu de la guerre ? C’est ici qu’il convient de remarquer que plusieurs dialectes germaniques emploient les noms Erch, Er, Ir, pour qualifier ce même dieu Tyr : le mardi, dans certains cantons bavarois, se dit erchtag ou irtag ; la colline, Eresberg devient chez les chroniqueurs latins mons Martis et dans l’allemand ultérieur Marsberg. Bref, le dieu Tyr est souvent désigné par un mot resté voisin sans doute de l’origine sanscrite et équivalent au Mars du monde classique. Il se retrouve dans l’antiquité grecque, où le dieu de la guerre s’appelle Arès, ce qui confirme singulièrement l’assimilation que nous trouvons dans Tacite. Beaucoup d’usages conservés prouvent le rapport intime qui subsistait entre Tyr ou Er et le dieu Mars. Or ce mot Er et ses analogues signifiaient en même temps flèche ou épée, et les témoignages abondent pour prouver que Tyr et Mars étaient primitivement au moins, adorés tous deux sous la forme d’une épée ou d’une flèche. Dans ces cantons bavarois où nous disions que le mardi s’appelle erchtag ou irtag, ce même jour est réputé, favorable aux mariages, et le fiancé offre une flèche à la future épouse. Dans les anciens alphabets du nord, le caractère runique désigné par le nom même du dieu Tyr est figuré par une flèche, et, parmi les signes attribués dans l’antiquité aux planètes, c’est une flèche inclinée surmontant un cercle qui marque la planète Mars. Est-ce uniquement par l’effet du hasard que cette planète s’appelait en grec thouros, c’est-à-dire brûlant, nom presque identique, comme on voit, à celui du dieu barbare de la guerre ? Hérodote, en parlant des Scythes, Ammien Marcellin en parlant des Quades, Juvénal en parlant des Romains, disent formellement que ces divers peuples adoraient Arès ou Mars sous la forme d’une épée fichée en terre. — Si l’on veut bien se rappeler maintenant que le dieu Tyr ne fut autre chose primitivement, sous le nom sanscrit dyaus, que la voûte céleste et la lumière, si l’on réfléchit que les rayons et la foudre semblaient aux peuples primitifs dardés comme des flèches ou des glaives, on peut ne pas s’étonner que la divinité représentant la lumière et le soleil ait eu de bonne heure ces armes pour attributs, et que, de là, elle soit devenue elle-même une divinité de l’épée ou de la guerre.

Du culte particulier que recevait en Germanie le dieu Tyr ou Zio, nous ne savons que peu de chose ; nous pouvons cependant en recueillir ou bien en restituer quelques vestiges. Nous retrouvons