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sitions sévères de la loi est un scandale de plus, contre lequel le ministre même des cultes protestait lors de la diète de 1869 en invoquant une réforme qui mît d’accord la loi et les mœurs.

La société civile n’est pas ici moins intéressée que la société religieuse ; on peut en juger en examinant de quelles difficultés une pareille législation enveloppe le mariage. Aux termes des articles 9 et 10 de l’ordonnance de 1860, l’union conjugale n’est reconnue légitime que si elle a reçu une consécration religieuse, et cette consécration, si l’une des deux parties appartient à l’église suédoise, doit être donnée par le clergé et d’après le rituel de cette église, sans que les contractans puissent profiter du moyen autorisé par l’ordonnance royale du 20 janvier 1863 dans le cas où l’un des conjoints ou bien tous les deux appartiennent à la religion israélite, et qui consiste simplement dans le mariage civil. La nécessité d’introduire dans la loi le mariage civil, au moins pour toutes les sortes de dissidens, aurait dû s’imposer ; mais la diète, aux diverses propositions qui lui en ont été faites, a toujours répondu en retardant cette réforme jusqu’au jour où, d’accord avec le synode, elle pourrait discuter et proposer à la sanction du roi une loi complète sur ce sujet. De telles complications, ainsi que l’exigence de l’église officielle, qui n’accorde sa consécration au mariage que sur l’attestation des devoirs religieux régulièrement remplis, entraînent des conséquences faciles à deviner. Une foule d’unions se passent de cette consécration, mais au prix d’un désordre civil qui deviendrait, si l’on n’y remédiait promptement, tout à fait intolérable. Un grand nombre de couples vont habiter en Danemark le temps nécessaire, suivant la loi danoise, pour y contracter mariage, et reviennent en Suède légalement unis. On a entendu parler récemment d’un mariage conclu par devant les membres d’une association ouvrière, parce que l’un des contractans, faisant profession d’être baptiste, n’aurait pu fournir le certificat de communion dans l’église officielle. On voit en Suède beaucoup de pauvres gens qui, faute de pouvoir se mettre en règle avec les exigences de la loi, contraires à leurs convictions religieuses, cherchent à entourer du moins leurs mariages de toutes les garanties que peuvent offrir la notoriété et l’estime publiques. Le nombre des enfans nés en dehors du mariage légal atteint en Suède la proportion de 10 pour 100 en moyenne. Dans les villes, ce nombre monte à 24, dans Stockholm à 38 pour 100. Les économistes scandinaves n’hésitent pas à regarder les formalités dont on complique le mariage comme un des motifs de cet état de choses.

De tels scandales deviennent nombreux depuis qu’en Suède, comme ailleurs, la rapidité des communications et la propagande