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pouvait être citée comme un pays fermé à la liberté religieuse ; on se rappelle ces procès impies qui, sous l’avant-dernier règne, avaient exilé et dépouillé de leur fortune de malheureuses femmes, leurs maris et leurs fils, coupables d’avoir quitté pour une autre communion chrétienne la pure église évangélique suédoise. Le roi Oscar avait tempéré autant qu’il l’avait pu la rigueur des lois et l’intolérance des deux ordres de la noblesse et du clergé ; si à la fin de son règne la diète de 1858 n’adoptait pas encore tous les changemens proposés par lui à ce sujet, on devait pourtant à son initiative un commencement de réforme qui s’annonçait par quelques amendemens à la loi sur les réunions religieuses du 12 janvier 1726. Dès le début du règne de Charles XV, les nouvelles dispositions du 23 octobre 1860 continuaient ce mouvement : elles accordaient un peu plus de liberté à qui voulait sortir de l’église officielle, mais en conservant les peines de l’amende, de la prison et de l’exil contre quiconque cherchait à propager ce qu’on appelait de fausses doctrines. Le règne du fils d’Oscar Ier devait s’achever comme il avait commencé, par des mesures favorables à la tolérance religieuse. Lors de la diète de 1869, les peines édictées contre les tentatives de propagande furent notablement adoucies, et l’exil même disparut. La session de 1870 admit les dissidens à la diète et aux emplois civils. Quant aux mesures générales qu’on méditait sur les droits dont devraient jouir ces dissidens, on reconnut qu’elles relevaient de la législation purement religieuse, et qu’à ce titre elles devaient être soumises au consentement du synode, dont il fallait attendre la prochaine session, quatre années plus tard.

La Suède en est donc réellement aujourd’hui encore à l’ordonnance de 1860 pour ce qui regarde les non-conformistes. Cette ordonnance est destinée sans nul doute à bientôt disparaître ; il est bon d’en rappeler les termes et les dispositions pour faire apprécier le progrès qui va infailliblement s’accomplir. Aux yeux de la loi, le dissident est un égaré, pour ne pas dire un coupable ; tout au moins faut-il le traiter comme atteint d’une maladie spirituelle. On lui assignera donc un médecin de l’âme, qui devra l’instruire à nouveau et l’avertir du danger où il court. S’il n’ouvre pas les yeux, il recevra les avertissemens du chapitre ou de ses délégués ; s’il persiste encore, il devra aller personnellement chez le pasteur pour obtenir d’être inscrit comme dissident sur le livre d’église. Cette inscription ne lui sera toutefois accordée qu’après qu’il aura produit la preuve de son admission dans une autre communion religieuse autorisée par les lois du royaume. On comprend bien que ce double avertissement et cette inscription sont devenus de pures et vaines formalités, mais le contraste entre l’inanité et les dispo-