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SOUVENIRS
DE L'ADRIATIQUE

II.
SCUTARI ET LES ALBANAIS, LES TRIBUS DES MONTAGNES ET LES MOEURS DE LA GRECE HEROIQUE.[1]


I

Le 23 décembre 1871 au matin, nous quittions le port de Cat-taro. La musique d’un régiment autrichien jouait sur la jetée ; une société tout européenne, des femmes qui portaient les toilettes de Vienne, des officiers vêtus de l’élégante veste blanche de l’infanterie impériale, mêlés aux marins dalmates, aux paysans de la Montagne-Noire venus pour le marché, regardaient le bateau du Lloyd, le Miramar, s’avancer lentement sur le canal étroit qui sépare Cattaro de l’Adriatique. Nous venions de causer en notre langue avec ces amis improvisés que le voyageur se fait si aisément ; nous avions lu les journaux français, visité cette petite ville, où rien n’est luxueux, où tout est confortable et aisé. Un beau soleil d’hiver éclairait le golfe, ces montagnes à pic sur lesquelles les longs murs des forteresses courent comme des guirlandes, les vingt chantiers où les Cattarins construisent leurs navires, et cette suite de maisons gaies, propres, élégantes, qui couvrent toute la côte. Quelques heures plus tard, le Miramar jetait l’ancre devant une plage déserte. En face de nous s’élevait une cabane misérable ; nous ne

  1. Voyez la Revue du 1er octobre.