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senter à la seconde, s’ils avaient à faire accepter des projets de lois leur tenant au cœur. C’est ce qu’a fait M. le comte Eric Sparre aux élections de 69. Quant au droit de suffrage, on voit qu’il est passablement restreint par des conditions de cens et de domicile. Aussi y a-t-il eu des propositions, peu soutenues il est vrai, ayant en vue le vote presque universel. C’est par cette pente que la Suède peut se voir entraînée vers l’arène où se débattent péniblement aujourd’hui plusieurs grandes nations cruellement partagées entre l’instinct conservateur et la promiscuité anarchique, entre l’esprit de progrès, de tradition libérale, et les rêves anarchiques du socialisme. Ce ne sont plus les grandes nations seulement qui souffrent de cette contagion redoutable ; elle s’étend avec une effrayante rapidité même à de petits peuples, que ne préserve pas leur prospérité relative. La rapidité des communications et la promptitude des échanges intellectuels aussi bien que commerciaux ont produit, à côté de merveilleux et bienfaisans résultats, quelques terribles désordres, desquels on doit espérer qu’ils ne seront que passagers. Au nombre de ces désordres, et l’un des plus graves, est ce vertige qui, s’emparant de tant d’esprits, les détache des sentimens les plus vrais, ceux de la patrie, de la famille et du devoir, pour les livrer aux plus trompeuses espérances et, à vrai dire, aux plus coupables convoitises. Raisonneurs cosmopolites, révolutionnaires universels, ils ne connaissent plus ces antiques barrières des diverses nationalités, et quiconque dans les deux mondes se révolte et blasphème, quiconque demande le remède de ses maux à la revendication matérialiste et athée est leur concitoyen ; il se trouve des savans pour traduire en toutes les langues ces coupables et monotones théories, et de faux esprits ou plus souvent des ambitieux haïssables pour conduire ces troupeaux hébétés à leur propre perte à travers la ruine générale.

Il y a trois ans à peine, en 1869, le gouvernement anglais avait demandé à ses agens diplomatiques des informations sur la condition des classes ouvrières chez les diverses nations ; ces rapports, réunis dans un des livres bleus, forment une immense et intéressante enquête, qui a été publiée. Si vous y consultez les chapitres sur les trois pays du nord Scandinave, nulle crainte n’y est exprimée à ce sujet pour aucun d’entre eux. Il y a bien le fait constant de l’émigration qui trahit l’absence du patriotisme et la foi dans l’utopie ; mais les observateurs remarquent expressément, à la date de 1869, qu’il n’y a dans le nord aucune trace de lutte engagée entre le capital et le travail, ni d’hostilité entre les classes diverses, ni d’associations ouvrières haineuses et irritées. Voici cependant qu’aujourd’hui, après trois ans à peine, le Danemark est envahi par l’Internationale, qui compte dans ce royaume, assure-t-on, des