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très avisée et très sage, que de déclarer dès son avénement ses vœux personnels pour une telle réforme ; il y fut ensuite aidé par un ministère dévoué et libéral. Une chose manquait encore pour faire espérer le succès, c’était une préparation logique. Avant de renverser un système qui, faisant partie intégrante d’une constitution née sur le sol, avait longtemps répondu à l’état réel de la nation, avant d’y substituer une représentation nouvelle prétendant tenir compte des élémens qui étaient survenus, il fallait réunir, organiser et par là même fortifier ces élémens que l’antique constitution ne connaissait pas ou connaissait à peine. C’est ce qu’on essaya de faire dès 1860 par une organisation communale entièrement renouvelée, qui comprit des assemblées provinciales en partie analogues à nos conseils-généraux. Une portion de l’administration civile leur était réservée, effort de décentralisation en tout cas salutaire, et on y vit figurer toutes les classes destinées à jouer leur rôle dans les larges cadres qu’on voulait substituer à l’ancienne machine de 1809.

Les voies ayant été ainsi préparées, le projet de réforme fut présenté par le ministère même ; les noms de ces ministres demeureront attachés à ce grand souvenir : c’étaient les barons de Geer et Gripenstedt et le comte Manderstrœm. « Craignez, si vous ne votez aujourd’hui, dit le baron de Geer aux opposans lors de la seconde lecture, qu’il ne soit dès demain trop tard. » Pendant quatre journées consécutives que dura cette discussion dans la seule chambre des nobles, 88 personnes prirent successivement la parole. Enfin, le 7 décembre 1865, 663 membres de la noblesse étant présens, la réforme fut adoptée par 361 voix contre 294. Il y avait eu des protestations, même éloquentes, mais elles s’étaient perdues dans le concert des acclamations de tout un peuple assemblé dans les rues et sur les places. Le 7 décembre 1865 fut pour ce peuple un jour de fête et de triomphe politique ; on prodiguait les applaudissemens à chacun des ministres. Si le roi paraissait en ville, on dételait sa voiture, on lui prodiguait les ovations dans les théâtres ; la nation tout entière, que nulle répartition factice ne divisait plus, était unie avec le souverain dans l’espérance d’un développement général et certainement fécond.

Quelles sont les conditions nouvelles de la représentation nationale en Suède ? Comment est constitué le droit de suffrage ? Jusqu’où s’étend-il ? Comprend-il les gens sans aveu, sans domicile réel, sans participation aux charges publiques ? Cette grave fonction du citoyen est-elle considérée, en vertu de quelque vague doctrine philosophique, comme un droit naturel et imprescriptible, ou bien comme un sérieux devoir dont il faut être capable, ou