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mais surtout par son honnêteté, sait inspirer l’estime et le respect. C’était où excellait le roi Oscar. Il n’est pas un de nos voyageurs dans le nord à qui il n’ait fait un bienveillant accueil en souvenir du pays natal, et il n’est pas un de nous qui n’ait reconnu en lui un de ces princes scrupuleux et dévoués, comme nous en connaissions chez nous aussi à l’époque où s’inaugurait son règne[1], premiers magistrats ou premiers soldats de leur royaume, mettant leur honneur dans la fidélité à la parole jurée, attentifs et dociles à toutes les expressions de la volonté nationale. Comme prince royal, puis comme roi, Oscar s’était visiblement proposé de tels modèles ou bien naturellement il les atteignait. Ses premières mesures suffirent à montrer que son règne allait ouvrir au gouvernement des royaumes-unis une période nouvelle. En concédant aux Norvégiens un drapeau particulier de commerce et de marine et une cocarde nationale, il témoignait que, loin de conserver, comme son père, quelque pensée de regret ou de déception à propos de la manière dont s’était accomplie la réunion de la Norvége, il acceptait de grand cœur les faits accomplis, s’ils devaient profiter à la liberté ; il se donnait pour unique tâche d’entrer en communauté de pensée avec ses sujets, et de travailler seulement à diriger le progrès pour que la marche en devînt plus sûre. En Suède même, il abolissait les anciens corps de métiers, saisissait la diète d’un projet en faveur de l’émancipation des Juifs, d’un autre sur la liberté de l’industrie et du commerce. On reconnaissait une impulsion plus vive, plus sûre d’elle-même, parce qu’elle était plus sincère, mieux initiée aux secrets ressorts de l’organisation suédoise, et décidée à entrer franchement dans la voie des améliorations sociales. Aussi le retentissement de février 1848 ne causa-t-il à Stockholm qu’une passagère effervescence : on en fut quitte pour quelques vitres cassées. Actif ouvrier de la cause commune, le roi Oscar prenait sa part des études spéciales que certaines questions d’un intérêt pressant réclamaient. Son livre des Peines et des établissemens pénitentiaires, 1840, témoigne de ses travaux personnels sur la législation pénale ; frappé des inconvéniens et des dangers du système qui était alors partout en vigueur, ce fut sous sa direction immédiate et constante que furent construites en Suède les premières prisons cellulaires. Un autre changement lui tenait au cœur : il voulait arrêter la libre fabrication de l’eau-de-vie, qui engendrait en d’énormes proportions l’ivresse, le delirium tremens, le suicide et la folie. Soutenu par l’opinion publique, il poursuivit sans relâche l’accomplissement

  1. Bernadotte avait régné, sous le nom de Charles XIV Jean, de 1818 à 1844, après avoir réellement gouverné, comme prince royal et fils adoptif de Charles XIII, depuis 1810. Oscar Ier régna de 1844 à 1859, et Charles XV de 1859 à 1872 ; Charles XV est mort le 18 septembre dernier.