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et persévérante hardiesse, déranger l’ordre des opérations nutritives. La méthode que nous avons suivie dans nos propres recherches sur ce sujet consiste à supprimer certains principes essentiels de l’alimentation et à les y remplacer par des principes immédiats nouveaux plus ou moins analogues. Mais les principes immédiats nutritifs se trouvent dans les alimens dans les conditions les plus favorables à l’assimilation. Les sels minéraux y sont intimement mélangés aux matières azotées. Pour substituer à ces sels minéraux de l’alimentation ordinaire, au phosphate de chaux par exemple, des phosphates d’une autre espèce, il est donc nécessaire non-seulement de débarrasser autant que possible les alimens des sels que l’on veut éliminer, mais encore d’y associer de la façon la plus intime les sels nouveaux que l’on veut fixer dans l’économie, c’est-à-dire de les y introduire sous la forme la plus propre à l’assimilation et la plus capable de vaincre les résistances naturelles de l’organisme. Il est évident aussi qu’il convient d’expérimenter sur de jeunes animaux chez qui le mouvement assimilatoire est à son maximum. Dans de telles conditions et par de tels procédés, on arrive à modifier l’ordre et l’espèce des principes immédiats de la substance organisée. Des expériences personnelles nous permettent du moins de l’affirmer pour ce qui concerne le tissu osseux, et jusqu’ici rien ne nous oblige à douter qu’on puisse réaliser à la longue, par des transformations graduelles, consécutives à certains artifices nutritifs, des organismes d’un équilibre homologue et nouveau, au point de vue du système des principes immédiats. En tout cas, des recherches de ce genre ont un intérêt considérable. Elles permettent de déterminer les relations entre les poids moléculaires des principes immédiats et leurs coefficiens nutritifs. D’autre part, en introduisant à un moment donné un certain principe assimilable dans l’organisme et en marquant le temps qui s’écoule depuis le moment où il entre jusqu’au moment où il sort, on a un procédé pour mesurer la vitesse du mouvement nutritif.

Nous n’insistons pas davantage sur ces expériences. Il nous suffit d’en avoir tracé la direction générale, en accord avec ce qui se passe dans le reste de la physiologie. Sans doute de pareils travaux sont difficiles et longs : outre le savoir et la patience, il faut pour les aborder de l’imagination et de la foi ; mais les labeurs du présent ne peuvent être fructueux qu’à la condition d’une vision claire de la vérité idéale, précieuse étoile où le savant digne de ce nom aimera toujours à lire les destinées de l’esprit.


FERNAND PAPILLON.