Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/968

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chat, mais la réussite n’a jamais été complète ; on n’a provoqué que des commencemens d’adhérence. Toutefois l’insuccès paraît tenir moins à l’incompatibilité des tissus eux-mêmes qu’à la difficulté de maintenir dans le calme nécessaire des animaux aussi peu disposés à fraterniser ensemble. Enfin M. Balbiani a réussi à souder ensemble deux tronçons de queues empruntées à deux têtards différens, de façon à obtenir une adhérence physiologique d’une certaine durée.

Si ces recherches ont un intérêt plus philosophique que pratique, sur lequel on reviendra plus loin, il n’en est pas de même de celles qui ont eu pour résultat les greffes dites épidermiques. Celles-ci ont eu en effet le privilège d’attirer au plus haut point l’attention des physiologistes et surtout des chirurgiens. C’est à un chirurgien suisse, M. Reverdin, ancien interne des hôpitaux de Paris, qu’on en doit la découverte et les premières applications. Toutes les fois qu’à la suite d’une opération chirurgicale, d’une brûlure ou d’une blessure, la peau a été détruite dans une certaine étendue, le vide produit ne se remplit que lentement au moyen d’une formation de tissu cicatriciel. Malgré l’emploi des méthodes de pansement les plus rationnelles, la surface dénudée ne se répare jamais qu’avec difficulté. C’est pour remédier à ce grave inconvénient que M. Reverdin eut l’idée d’appliquer sur les plaies un lambeau de tégument sain emprunté au blessé lui-même ou à un autre individu, Les premiers essais furent entrepris en 1869 dans les hôpitaux de Paris et couronnés d’un plein succès. Aussitôt les expériences se multiplièrent MM. Gosselin, Guyon, Ollier, Duplay, Hergott, et d’autres, obtinrent en France, en suivant les indications de l’inventeur, des résultats très satisfaisans. Les praticiens anglais, russes, allemands, ne tardèrent pas à apporter leur contingent d’observations concordantes, et il est permis de dire qu’aujourd’hui la greffe épidermique est entrée définitivement dans la pratique chirurgicale. Cela n’empêche pas de reconnaître qu’elle présente des difficultés de plus d’une sorte. Cette soudure de lambeaux étrangers à la surface dénudée d’une plaie demande, de la part du chirurgien qui veut la réaliser, des soins d’une extrême délicatesse. D’abord, si l’on voulait recouvrir toute la plaie d’une seule greffe, on ne réussirait pas ; il faut en appliquer plusieurs de très petite dimension, suivre jour par jour les progrès de la cicatrisation, remplacer les lambeaux qui n’adhèrent point, etc. Généralement la greffe est accomplie au bout de vingt-quatre heures. À ce moment, la partie transplantée fait corps avec la plaie par l’intermédiaire de cellules nées dans l’intervalle qui les sépare. Il en résulte que la cicatrisation s’opère très rapidement. La cicatrice est plus souple, plus