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ossificateur propre au périoste. L’attention des praticiens ne commença d’être attirée sur ce point que plus tard, vers 1830, par les travaux d’un professeur de Würzbourg, Bernhard Heine. Celui-ci enleva sur des animaux vivans des portions d’os plus ou moins considérables. Dans certains cas, il pratiqua l’ablation de la moitié des os sur lesquels il opérait. Les parties enlevées se reproduisirent au bout de quelques semaines, de quelques mois, et les membres se rétablirent dans l’état normal.

Plus célèbres encore que ceux de Heine sont les travaux ingénieux et persévérans de Flourens. Les expériences variées de ce savant physiologiste ont définitivement confirmé la réalité des premières observations de Duhamel. « Puisque, dit Flourens, c’est le périoste qui produit l’os, je pourrai donc avoir de l’os partout. où j’aurai du périoste, c’est-à-dire partout où je pourrai conduire, introduire le périoste. Je pourrai multiplier les os d’un animal ; si je veux, je pourrai lui donner les os que naturellement il n’avait pas. » Entre autres expériences faites pour démontrer la vérité de cette proposition, Flourens imagina de percer un os et d’y introduire un petit tube d’argent. Le périoste engagé dans ce tube s’y épaissit, s’y gonfla et donna naissance à un cartilage qui bientôt devint os. Un habile chirurgien de Lyon, M. Ollier, découpa sur un animal de longues bandelettes de périoste, en les laissant toutefois adhérer à l’os par un pédicule, puis les enroula autour des muscles voisins. Au bout d’un certain temps, ce périoste ossifié avait produit des os circulaires, en spirale, en huit de chiffre, etc., selon la manière dont on avait enroulé la bandelette périostique autour des parties voisines.

Dans toutes ces expériences, on s’est servi d’un périoste muni de la couche très mince qui lui est adhérente et le sépare de l’os. Or M. Robin a établi que cette couche est formée de cellules osseuses chez l’adulte et de substance cartilagineuse, si l’on opère sur un os en voie de développement. C’est en elle que réside le pouvoir ostéogène, et, lorsque le périoste en est privé, il devient impropre à l’ossification. M. Robin et M. Dubrueil ont démontré de plus que du tissu osseux peut se former sans cartilage préexistant, sans aucune intervention de membrane, et émaner directement d’un os qui en est dépourvu. Ces découvertes, sans destituer le périoste du rôle manifeste qu’il joue dans les régénérations osseuses, en font concevoir le mécanisme d’une façon différente de celle qu’avaient admise les physiologistes. Elles prouvent qu’en réalité, dans les expériences du genre de celles de Duhamel, de Heine, de Flourens, c’est l’os qui engendre de l’os, comme le nerf coupé engendre du nerf. La couche cartilagineuse ou osseuse adhérente au périoste n’est pas