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maintenant on se figure, tous ces animaux : hippopotames, æpyornis de plusieurs sortes, tortues gigantesques, mollusques divers encore vivans, et la physionomie de l’ensemble de la faune de Madagascar sera modifiée d’une manière très sensible. Si alors on songe qu’à une époque notre sol était habité par les ours et les lions des cavernes, par les mammouths, les rennes, les urus, il sera permis de regarder comme vraisemblable que dans la période actuelle des changemens dans les conditions de la vie ont eu lieu sur la grande île africaine, de même qu’en d’autres parties du monde. Qu’un jour des investigateurs se mettent à fouiller les marais, le lit des rivières, les cavernes de Madagascar, et l’on verra sans doute en foule reparaître à la lumière des formes animales disparues et des objets qui conduiront à rétablir des pages envolées de l’histoire de la terre. La merveilleuse découverte de M. Grandidier dans le marais d’Amboulatsintra est pour l’avenir le présage d’une immensité de découvertes.

Après la géographie, après l’histoire naturelle, l’explorateur de Madagascar s’est occupé avec prédilection de l’histoire des habitans de la Grande-Terre : familiarisé avec l’idiome, partout il a étudié les mœurs, les coutumes, les croyances, les superstitions ; aux sources mêmes, il a recueilli des traditions. Les caractères physiques des différens peuples ont été observés à l’aide des moyens dont la science dispose ; aucun genre d’investigation n’a été négligé pour remonter aux origines. C’est à présent qu’on juge si le voyageur a dû s’applaudir d’avoir séjourné parmi les Hindous et les Malais, d’avoir vu les nègres de la côte orientale d’Afrique, connu les Arabes de Zanzibar ; il possédait des termes de comparaison indispensables pour l’étude des Malgaches. Entre les mains de M. Grandidier, la photographie a produit une œuvre du caractère le plus sérieux et le plus instructif. Nous n’avions pas l’idée d’une ville de Madagascar ; des vues de Tananarive, vraisemblablement dessinées de souvenir et publiées dans plusieurs ouvrages, sont presque des images de fantaisie. Maintenant on va connaître l’aspect de la capitale des Ovas : voici dans son ensemble la populeuse cité bâtie sur la colline dont le terrain est inégal, la principale rue, laide et tortueuse, les ruelles, les cases entassées, celles des pauvres faites de terre, celles des riches en bois, parce que cela coûte plus cher, — devant les portes la pierre qui sert de marche, tout au sommet de la ville les habitations des hauts personnages, le palais de la reine avec son immense toiture, à côté la Maison d’argent avec son balcon, d’où la vieille Ranavalona donnait audience aux envoyés des nations étrangères, puis les demeures des ministres. Dans la direction du sud, un large espace vide est d’un effet détestable : c’est