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Madsanga, sur les rivages de la baie de Bombétok, dont les Ovas sont aujourd’hui les maîtres. De là, le voyageur, qui sait maintenant à quelle circonspection il est tenu, s’il veut réussir, parviendra à faire la route entière jusqu’à Tananarive. Toujours surveillé, il doit renoncer aux grandes opérations géodésiques, — viser aux villes ou aux montagnes ne manquerait pas de laisser croire à des intentions criminelles ; une escorte d’honneur, composée de huit officiers et de douze soldats, qu’on donne à l’étranger, est en réalité une escorte de gardiens qui ne le perdront pas de vue un seul instant. Le géographe, contraint de se borner à des observations qu’il explique aux Ovas par le besoin de régler sa montre sur le midi, se contente d’un simple relèvement à la boussole, exécuté avec assez de précision pour remplir sans graves erreurs les espaces entre les points fixés d’une manière rigoureuse.

La route que suivent les Ovas depuis la prise de Madsanga s’éloigne peu du Betsibouka, l’une des principales rivières de la grande île africaine, navigable pour des pirogues jusqu’à son confluent avec l’Ikioupa. On affirmait qu’il était possible d’arriver très près de Tananarive en remontant le fleuve ; notre voyageur a reconnu l’inexactitude de l’assertion. Des pirogues remontent l’Ikioupa à quelques lieues au sud de la jonction des deux cours d’eau, mais il faut encore dix journées de marche à travers un pays désert et très montagneux pour atteindre la capitale de Madagascar. De Madsanga à Tananarive, rapporte M. Grandidier, on traverse les contrées les plus stériles, les plus désertes, les plus désolées qu’on puisse imaginer. On s’éloigne de la côte, et pendant sept jours il faut marcher au milieu de plaines arides ; des arbustes rabougris très épars, de petits bois, quelques lataniers, ne suffisent pas à égayer le paysage. On atteint la grande chaîne granitique qui commence au port Radama, courant à peu près du 14e au 22e degré de latitude. C’est comme une mer de montagnes, et ces montagnes sont nues ; à peine un peu d’herbe couvre le sol, de rares buissons sont accrochés aux flancs des ravins. Voilà bien les tristes solitudes dont a parlé autrefois M. James Cameron, le désert qu’on rencontre lorsqu’on s’achemine vers l’ouest après avoir franchi la limite du pays des Ovas. Une telle région est inhabitée et elle paraît inhabitable ; aujourd’hui quelques postes d’Ovas sont échelonnés sur la route pour la facilité des communications entre Tananarive et Madsanga ; les malheureux soldats n’ont pas d’occasions de se récréer, et le passant les plaint de leur sort. Le voyageur mit vingt-six jours à faire le trajet de la côte nord-ouest à la capitale.

La province d’Imerina, surtout dans la partie centrale, contraste avec les solitudes de la région occidentale ; le pays, dont les Euro-