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Edelinck, jusqu’aux Batailles d’Alexandre gravées par Gérard Audran d’après Lebrun, — cet ensemble de près de 1,000 estampes dues au burin des plus habiles maîtres devint, grâce à la sollicitude du grand ministre, un élément de progrès pour le goût public en France comme pour la bonne renommée de notre école, et, pour la Bibliothèque même, un nouveau moyen d’attirer les amis ou les curieux de l’art.

En donnant l’ordre, au nom du roi, de déposer dans une des salles de la Bibliothèque les cuivres gravés pour le recueil dont nous parlons et d’y faire tirer les épreuves destinées à être offertes en cadeau ou mises en vente, Colbert ajoutait à l’importance archéologique du musée de gravure qu’il avait fondé l’utilité tout actuelle, toute pratique, d’un établissement analogue à ce que devait être plus tard la chalcographie du Louvre. Et, comme il s’agissait avant tout de mettre à la portée du plus grand nombre ces chefs-d’œuvre de la gravure française, l’avertissement suivant était joint au catalogue imprimé qui indiquait les titres et les sujets :

« On a employé les plus excellens ouvriers pour graver ces planches, et il ne se peut que ce travail n’ait beaucoup coûté. Cependant le prix qu’on y a mis est si médiocre[1] qu’on voit bien que c’est un effet de la libéralité du roi, qui en veut faire présent au public, et qui est bien aise que l’avantage qu’en retireront ses sujets soit communiqué aux étrangers… »

A partir de 1670 jusqu’à l’année 1683, c’est-à-dire jusqu’à l’époque où les graveurs du Cabinet du roi eurent achevé leur tâche, la Bibliothèque reçut donc successivement toutes les planches qui avaient servi ou qui devaient servir à la publication de ce grand ouvrage. Un des fonctionnaires de l’établissement que recommandaient ses connaissances spéciales, Nicolas Clément, fut chargé de tous les détails relatifs au dépôt des planches, au tirage des épreuves, à la reliure des exemplaires comme de la surveillance à exercer sur les travaux en cours d’exécution. On lui confia en un mot le double soin de « solliciter les graveurs d’estampes pour le roi, » et, les planches une fois terminées, de les « retirer et conserver, » sauf à s’en remettre, pour la publication proprement dite, à l’imprimeur du roi, Goyton, dont les comptes des bâtimens constatent d’année en année « les bons services » et « l’application qu’il donne aux impressions, » au graveur en lettres Richer, « chargé

  1. Ce prix était bien médiocre en effet, puisqu’il ne s’élevait pas au-delà de 27 livres pour a les cinq grandes pièces de l’Histoire d’Alexandre gravées d’après les tableaux de M. Lebrun, » de 7 sols pour « chacune des estampes séparées d’après les tableaux du roi, » c’est-à-dire pour la Sainte Famille d’Edelinck entre autres ou pour l’Énée de Gérard Audran.