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quentes avec les Européens. Les trafiquans et même les simples voyageurs doivent à titre de bienvenue donner une certaine quantité d’objets au roi et aux différens chefs ; le paiement effectué, de nouveaux cadeaux sont réclamés les armes à la main. Ceux qui perdent patience devant cette insatiable rapacité s’exposent à de graves dangers ; le pillage de navires et le meurtre des équipages se sont renouvelés dans ces dernières années.

Les contrées pauvres, arides, presque incultes, du sud et du sud-ouest de la Grande-Terre ont une très faible population ; M. Grandidier estime que le nombre des Antandrouïs n’excède pas 20,000, et qu’il ne faut pas compter plus de 30,000 Mahafales, 50,000 Sakalaves antifihérénanes, 50,000 Sakalaves antimènes. Le commerce ne saurait prendre une importance considérable avec de tels peuples ; cependant des navires de Bourbon en reçoivent, outre de grandes masses d’orseille, des tortues (ces animaux ne sont pas rares dans les parages de Madagascar), des haricots, des salaisons ; ils portent en échange des verroteries, des toiles, des marmites de fonte, des fusils à pierre et de la poudre. Les Mahafales et les Sakalaves, bien éloignés de l’insouciance habituelle des sauvages, sont animés d’un esprit mercantile extraordinaire, sans doute acquis au contact des Arabes, qui de temps immémorial viennent trafiquer sur la côte occidentale de la grande île africaine. Il existe un certain nombre de ports et de criques où les navires peuvent mouiller ; ces refuges naturels qu’aucune carte ne désigne ne sont connus que des marins des îles Mascareignes.

De Mouroundava, que cette fois il ne devait pas dépasser dans son exploration du littoral, M. Grandidier, s’étant porté à 25 lieues dans l’intérieur des terres, atteignit Mahabou, maintenant occupé par un poste d’Ovas ; il a tâché d’en déterminer la position géographique, et il a constaté au-delà du village la présence d’une petite chaîne de collines courant du nord-nord-est au sud-sud-ouest : premier indice d’un changement dans la configuration du sol à quelque distance de la mer. Six mois avaient été employés à l’étude d’une vaste région délaissée par les investigateurs ; de précieux renseignemens étaient recueillis ; le grand voyage projeté dans l’intérieur de l’île restait à exécuter.

III.

Pendant ce séjour sur le territoire des Antandrouïs, des Mahafales et des Sakalaves, M. Grandidier s’était signalé par d’utiles recherches ; géographes et naturalistes prennent déjà un vif intérêt à ses travaux. Si les espérances dès longtemps conçues n’ont pu en-