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plein cimetière, un ancien ministre de l’empire, M. Pinard, accusé d’avoir distribué un journal bonapartiste, on l’expédiait à Lyon entre deux gendarmes, et lorsque le préfet de Lyon demandait qu’on lui fournît immédiatement les preuves et indices sur lesquels on lui avait envoyé le prisonnier, on lui répondait naïvement qu’on n’avait ni preuves ni indices. L’état-major de Garibaldi se donnait ainsi des distractions variées.

Les opérations d’une armée de ce genre ne pouvaient évidemment être bien décisives. Quelles étaient en effet ces opérations dans cette première période des affaires de l’est ? Garibaldi avait passé la fin d’octobre à Dôle, travaillant à organiser ses forces. Au 12 novembre, il était à Autun, où il avait la mission de couvrir le Morvan, les riches établissemens du Creusot, la route de Nevers, en tenant en respect l’invasion prussienne campée à Dijon, tandis que les grands combats allaient se livrer sur la Loire. Dans ces conditions, Garibaldi pouvait tout au plus se promettre d’inquiéter l’ennemi, de faire une guerre d’escarmouches et de surprises, en gardant son refuge d’Autun appuyé aux contre-forts du Morvan. Il allait, il est vrai, pouvoir être secondé par une force nouvelle qui commençait à paraître sur la route de Dijon à Lyon, dans le vide laissé par le départ du 20e corps ; à ce moment ou peu après, du 20 au 24 novembre, un jeune capitaine d’état-major qui s’était affranchi de la capitulation de Metz, et dont le gouvernement venait de faire un général, Cremer, arrivait à Chagny et à Beaune avec une brigade composée de deux légions mobilisées du Rhône, des mobiles de la Gironde commandés par M. de Carayon-Latour, et une batterie Armstrong, la seule qu’il y eût dans l’armée française. Cremer était général de brigade, en quelques jours il avait le grade de général de division et la direction exclusive des opérations sur ce point, après avoir supplanté le général Crevisier, sous les ordres duquel on l’avait mis. Un accord de Garibaldi et de Cremer pouvait permettre quelque entreprise contre les positions ennemies.

C’est ce qu’on méditait en effet. On ne désespérait pas d’enlever Dijon par une attaque convergente à l’ouest et à l’est. Garibaldi, pour masquer ses opérations et pour dérouter l’ennemi, lançait sur la ligne de Dijon à Paris, vers Montbard, son fils Ricciotti, qui accomplissait un brillant coup de main en allant jusqu’à Châtillon-sur-Seine surprendre un poste prussien qu’il détruisait ou qu’il faisait prisonnier ; pendant ce temps, le vieux chef se disposait à marcher lui-même par Arnay-le-Duc, Bligny et la vallée de l’Ouche. Avec un peu de chance, si Garibaldi n’était pas arrêté, si Cremer pouvait s’avancer par Nuits et Gevrey, on pouvait réussir, et de fait l’entreprise ne marchait pas mal au début. Le 24, le 25 novembre, Gari-