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une armée enlevée à Sedan, une autre armée, celle de Metz, rejetée dans ses lignes pour n’en plus sortir que prisonnière, Paris investi et séparé du monde pour vingt semaines, la chute de Strasbourg aux derniers jours du mois. De quel côté de l’horizon la France orientale pouvait-elle attendre un secours ? Paris captif ne pouvait penser qu’à Paris. À Tours, on ne songeait qu’à se préserver sur la Loire, déjà menacée. Ce n’est qu’après plus de trois mois, après les défaites d’Orléans et la scission violente de l’armée de la Loire, qu’on en revenait enfin à l’idée d’une entreprise sérieuse vers les Vosges. Que s’était-il passé durant ces quatre mois dans ces régions de l’est ? C’est là en quelque sorte le prologue obscur, incohérent, de l’expédition qui a été un des derniers coups de dés de la défense nationale, et à laquelle le général Bourbaki devait donner son nom.

I.

La guerre dans l’est a deux périodes en effet ; la première est une période de confusion où la résistance, à peine organisée, s’épuise en efforts partiels et décousus. Trois mois durant, de la fin de septembre à la fin de décembre, en dehors des places fortes où se replie et se concentre la défense, on s’agite sans direction, et pendant ce temps l’invasion, d’abord retenue devant Strasbourg, pénètre par cette partie des Vosges dans la vallée de la Saône, va jusqu’à Dijon, immobilisant Belfort par un blocus, laissant de côté Besançon, menaçant par ses positions avancées en pleine Bourgogne le centre et le midi de la France. Je voudrais dégager les points essentiels de cet imbroglio militaire où tout se mêle, la courte campagne de la première armée des Vosges, la défense de Belfort, le rôle et les opérations de Garibaldi.

Quelle était la situation réelle au moment où les irréparables désastres éclataient sur la France ? L’est se trouvait dépourvu de toute force régulière, disais-je. Dès la seconde quinzaine de septembre cependant, il s’était produit sous la pression du péril une sorte de mouvement spontané. On cherchait à se reconnaître, on voulait se défendre. Un certain nombre d’officiers énergiques, échappés de Sedan, le commandant du génie Varaigne, le capitaine du génie Bourras, le capitaine d’artillerie Perrin, avaient pris le chemin des Vosges, et s’occupaient immédiatement de fortifier quelques-uns des principaux défilés, de rassembler quelques élémens de défense. Peu après, un autre échappé et un blessé de Sedan, le général Cambriels, arrivait, lui aussi, pour prendre le commandement de l’armée de l’est et pour diriger les opérations. Où était-