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aux flammes les cadavres de Thomas et de Sylvestre Guttierez. Il n’y avait plus de police dans la ville. Ce qui restait de l’armée était caserné dans le palais et au fort Santa-Catalina, d’où on n’osait pas faire sortir les troupes.

Don Manuel Pardo apparut alors comme un sauveur. Entouré d’une grande popularité et représentant les principes constitutionnels, il déclara que la seule manière de terminer la crise était un recours loyal à la légalité. C’est au congrès qu’il appartenait de vérifier les élections et de désigner le nouveau président de la république, et il fallait sans retard procéder à cette désignation, devenue de plus en plus urgente ; c’est la solution qui a en effet prévalu.

Le congrès péruvien s’est réuni le 28 juillet à Lima, sous la présidence de M. Benavides. Trois jours après, la commission chargée de l’enquête sur les résultats de la lutte engagée entre MM. Pardo, Arenas et Ureta pour la succession de don José Balta à la présidence de la république formulait son rapport. Comme il ressort de ce document que don Manuel Pardo a obtenu 2,692 voix sur 4,657, dont se compose le collège électoral, le congrès l’a proclamé à l’unanimité président du Pérou à partir du 2 août 1872, et pour la période constitutionnelle de quatre ans. Les obsèques du colonel Balta ont été pompeusement célébrées le 31 juillet. Son successeur a prêté serment devant les chambres le surlendemain, et leur a donné ensuite lecture d’un message. La publication en avait été précédée par celle d’un autre message, celui que don José Balta se proposait d’adresser au congrès.

La ville de Lima a repris son aspect accoutumé. Plusieurs fêtes ont marqué l’entrée au pouvoir de don Manuel Pardo, qui accueille avec une simplicité de bon goût les hommages qu’on lui rend. Le chef de la république n’a point établi sa résidence au palais, mais continue à demeurer dans sa propre maison ; il ne fait pas usage non plus des voitures du gouvernement.

Le gouvernement vient de présenter à l’assemblée législative deux projets de lois qui inaugurent la série des grandes réformes amoncelées et impatiemment attendues par le pays. Le premier a pour objet l’administration municipale ; il est, croit-on, l’œuvre personnelle du président de la république, et il repose sur un large système de décentralisation. Le second est relatif à la réorganisation de l’armée ; mais, en attendant que le congrès ait voté cette dernière loi, le gouvernement a dû prendre d’urgence des mesures provisoires pour reconstituer la force publique. A la suite de la révolution, presque tous les soldats ont profité de l’occasion pour se débander, et il n’est resté que 1,500 hommes à peine sous les drapeaux. Le président de la république a visité lui-même les casernes et a annoncé que dorénavant personne ne serait ni enrôlé ni retenu de force au service, que tous ceux qui voudraient