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rieure doucement, progressivement raffermie. C’était le vœu le plus manifeste du pays il y a un mois. Tout d’un coup les tempêtes se déchaînent, les passions de partis éclatent, plus acharnées que jamais, autour d’un gouvernement qu’elles cherchent à ébranler. On se retrouve à peine en présence qu’on semble aspirer le combat, qu’on se précipite vers les crises les plus extrêmes, et qu’on se montre impatient de réduire une malheureuse nation à se demander chaque matin où elle en sera le soir. Nécessairement la France incertaine s’émeut, les affaires s’arrêtent, les intérêts sont en suspens, la confiance expire dans les esprits découragés, tout ce qu’on a fait peut être compromis. On en est là, et si ceux qui ont contribué à créer cette situation sont contens de leur œuvre, franchement c’est qu’ils ne sont pas difficiles. Si c’est là tout ce qu’ils ont recueilli de conseils de sagesse et de patriotisme dans leurs longues vacances, ils ont perdu leur temps, ils n’ont vu les intérêts ou les dispositions du pays qu’à travers leurs préoccupations et leurs préjugés.

Comment s’est produite cette situation aiguë et violente ? quels en sont les caractères et les élémens ? À suivre le courant des choses depuis quelques mois, à voir s’amasser les froissemens, les malaises, les susceptibilités, les irritations secrètes nées de mécomptes multipliés, cette crise devait malheureusement éclater un jour ou l’autre ; on la sentait venir. Elle n’était pas dans le mouvement des opinions et des intérêts du pays, elle était dans les passions des partis. Le message de M. le président de la république n’a été évidemment que le prétexte ou le signal du conflit dès le second jour de la rentrée de l’assemblée à Versailles. Sans doute ce message, dont M. le garde des sceaux disait hier encore avec raison et avec simplicité qu’il avait été jugé « digne d’une certaine estime, » qu’il avait exposé les affaires de la France dans un langage qui n’était pas sans grandeur, sans doute ce message abordait des questions épineuses. M. Thiers, au début d’une session destinée à être décisive, n’a pas craint de donner une forme à des idées ou à des impressions qui sont dans bien des esprits ; il a voulu marquer en quelque sorte le point où l’on était arrivé après ces deux dernières années ; il a constaté ce qui est tout simplement un fait, que la république est le gouvernement légal du pays, qu’elle est le seul gouvernement possible aujourd’hui, et il ajoutait qu’au lieu de perdre son temps à des proclamations inutiles, qui pourraient d’ailleurs coûter à des convictions sincères, le mieux serait de régulariser, d’organiser la situation, de voir ce qu’il y aurait à faire pour coordonner les institutions et les pouvoirs publics. M. Thiers pouvait-il faire autrement ? Eût-il fait disparaître les difficultés en les passant sous silence par un calcul presque puéril ? Même en abordant ces questions, a-t-il prétendu diminuer les droits de l’assemblée, violenter les opinions sincères, imposer un avis ou un système ? S’est-il montré peu soucieux de la sécu-