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La Porte reconnaît dans la nation des Romains quatre églises autocéphales, celles d’Antioche, de Jérusalem, d’Alexandrie et de Constantinople ; mais les prélats qui gouvernent les trois premières admettent la suprématie de l’évêque de Constantinople, ils n’administrent que des circonscriptions peu importantes, ils se sont toujours groupés autour de leur supérieur naturel, qui leur prête l’appui de son autorité. Le patriarche œcuménique, en laissant de côté trente-six ou trente-sept circonscriptions qui relèvent des autres patriarcats, administre l’église avec le concours de cent dix-sept évêques ou archevêques. L’union des diocèses et du trône de Constantinople fait la force de l’église grecque. Le lien qui rattache les évêchés à la métropole n’a jamais été une simple fiction. Les relations sont de tous les jours entre le Phanar et les provinces les plus éloignées. Le patriarche a pour assesseurs sept métropolitains pris dans les diocèses les plus différens. Les évêques sont choisis par lui ; il les connaît personnellement. Il les a vus arriver encore jeunes à l’école ecclésiastique de Constantinople ; ils ont en général habité sa maison, comme secrétaires ou comme serviteurs. On sait très bien dans l’église grecque que, pour obtenir les hautes charges ecclésiastiques, il faut avoir fait partie de cette clientèle. Une fois pourvu de la dignité épiscopale, un prélat est sans cesse appelé à Constantinople. Pour la moindre difficulté ou avec ses fidèles, ou avec le gouvernement, il vient se justifier lui-même. Les pièces écrites n’ont que peu de valeur en Orient, et la présence des parties est toujours indispensable. Il est rare qu’on ne trouve pas au Phanar des évêques de toutes les provinces de l’empire. Les difficultés des moyens de transport en Orient ne sont pas un obstacle aux voyages. Un évêque ne peut arriver aux sièges vraiment fructueux qu’au prix de longs et difficiles déplacemens. Il faut qu’il suive la hiérarchie, qu’il commence sa carrière par les évêchés les plus pauvres pour parvenir ensuite à ceux qui sont richement dotés. Comme le fonctionnaire turc, le métropolitain grec passe donc une partie de sa vie sur les mauvaises routes de l’empire. Un évêque d’Épire, chez lequel nous recevions l’hospitalité cette année, avait habité successivement l’Arménie, la province du Pont, celle du Danube ; il s’apprêtait à partir pour Éphèse. Les canons du reste établissent ce lien du patriarcat et des provinces. Le saint-synode compte onze ou douze représentans laïques des communautés d’Asie et d’Europe. Quand le siège est vacant, les diocèses envoient leur bulletin de vote ; dix-huit villes nomment chacune un député qui vient prendre part personnellement à l’élection. Il n’arrive pas qu’un Grec influent de la province la plus éloignée se rende à Constantinople sans visiter le patriarche, et quelle influence en Turquie peut être durable, si elle n’est pas consacrée par de fréquens voyages