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personnages étrangers étaient distribués suivant le même mode de classement. Pour l’Italie, la série s’ouvrait par les papes et se terminait par les poètes, les artistes et les « hommes de divers états. » Pour les Pays-Bas, c’étaient les princes et gouverneurs qui figuraient en première ligne, puis on arrivait de groupe en groupe aux « bourgeois et négocians, » et ainsi de suite pour les autres pays.

Au premier aspect, rien de plus juste que ces distinctions matérielles entre des personnages de classe ou de nature si différente, rien de plus propre à établir partout le bon ordre et à simplifier les recherches. Dans combien de cas pourtant le choix de la place à assigner ne se compliquera-t-il pas de certaines difficultés inhérentes à la diversité des services rendus ou des fonctions remplies par le même homme ! Comment éviter que ce classement ne soit déterminé par des préférences arbitraires ? Voici quelques exemples des inconvéniens et parfois des non-sens que peut entraîner l’application trop personnelle du système de classification méthodique. A l’époque où ce système prévalait au département des estampes, quelqu’un demande à voir le portrait de Rabelais. Naturellement les recueils consacrés aux écrivains français du XVIe siècle sont communiqués d’abord au demandeur, qui toutefois n’y trouve pas l’image de l’auteur de Pantagruel. Peut-être ce portrait aura-t-il été classé parmi ceux des ecclésiastiques, si légers qu’eussent dû paraître les droits du curé de Meudon à se trouver en semblable compagnie : là encore les recherches n’aboutissent point. Elles restent tout aussi infructueuses lorsqu’on parcourt la suite des portraits de médecins. Enfin, après bien des tâtonnemens et des mésaventures, on arrive à découvrir Rabelais relégué parmi les diplomates ; le souvenir apparemment de son séjour à Rome comme secrétaire du cardinal du Bellay lui avait valu cette place imprévue. Une autre fois c’est le cabaretier Ramponneau, celui qu’au XVIIIe siècle on appelait « le roi des porcherons, » qu’il faut aller chercher ou plutôt que le hasard fait rencontrer dans la série des Personnages monstrueux. Même fantaisie souvent dans les décisions prises à l’égard de nos contemporains. Il n’y a pas longtemps encore, un économiste éminent, membre de l’Institut et du sénat, ne figurait ni à l’un ni à l’autre de ces titres dans les collections de portraits conservés au département des estampes ; il se trouvait, — le croirait-on ? — confondu avec les Criminels célèbres, probablement en mémoire du procès intenté aux saint-simoniens en 1832 et de la condamnation à un an de prison qui s’ensuivit.

D’aussi étranges méprises ne sont plus possibles aujourd’hui. Depuis quelques années, l’ordre alphabétique appliqué déjà par M.