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M. Duchesne, avant de mourir, eut du moins la satisfaction de voir se réaliser un vœu qu’il avait formé dès l’époque où la Bibliothèque était rentrée en possession de toutes les dépendances de l’ancien palais Mazarin, et dont il avait depuis lors poursuivi l’accomplissement avec une sorte de passion, bien justifiée d’ailleurs par l’insuffisance du logis où le département des estampes avait été relégué au temps de Joly père et de l’abbé Bignon. La galerie au rez-de-chaussée de ce palais, occupée depuis 1828 par une partie des collections composant le département des cartes géographiques[1], venait enfin d’être évacuée pour faire place aux collections. du département des estampes, et l’installation de celles-ci, achevée vers la fin de l’année 1854, avait été pour M. Duchesne un succès d’autant mieux apprécié qu’il avait dû l’acheter au prix de plus longs efforts et en dernier lieu d’une véritable lutte contre des résistances d’ailleurs peu explicables.

Trois ans auparavant (1851), il avait eu une autre joie. Un amateur avec lequel il n’était pas habituellement en relation, M. le docteur Jecker, léguait à la Bibliothèque « toutes les gravures parmi celles de sa propre collection que la Bibliothèque ne posséderait pas, » soit que ces gravures fissent absolument défaut dans les œuvres des maîtres, soit qu’elles n’y fussent représentées que par des épreuves d’un état inférieur. 48 pièces d’une grande valeur, dont plus de 22 dues au burin des graveurs du XVe siècle ou au burin de Marc-Antoine, vinrent ainsi enrichir quelques-uns des recueils las plus précieux. Vers la même époque, un autre amateur à qui le département des estampes allait être redevable de nouveaux bienfaits, M. His de La Salle, se dessaisissait spontanément de cette épreuve unique jusqu’ici du Bossuet de Drevet, que les musées étrangers envient à notre collection nationale presque autant que telle rare estampe plus vieille d’un ou deux siècles. Enfin en 1854 l’acquisition, au prix de 38,000 francs, de plus de 60,000 portraits qu’un libraire très honorablement connu, M. Debure, avait réussi à rassembler était un succès trop considérable pour ne pas couronner dignement la carrière de M. Duchesne. Cependant la fusion de la collection Debure avec les collections de même espèce déjà conservées à la Bibliothèque ne fut opérée qu’après lui, et d’ailleurs suivant un principe tout différent des procédés de classement dont

  1. Constitué par une ordonnance royale en date du 30 mars 1828, puis annexé au département des estampes tout en demeurant placé sous la direction d’un conservateur spécial, enfin séparé du département des estampes en 1854, le département des cartes géographiques a depuis 1858 cessé d’avoir son régime indépendant et sa vie propre. Comme la division qui comprend les œuvres et les collections musicales, il ne forme plus aujourd’hui qu’une section du département des imprimés.