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généraliser de notre temps les développemens d’une industrie frivole et les nouveaux moyens de reproduction mécanique[1]. Ni ces lithographies et ces vignettes publiées au jour le jour, ni ces photographies de toute sorte qui chaque semaine envahissent plusieurs portefeuilles ne se mêlaient autrefois aux produits de l’art véritable, aux travaux diversement recommandables que les graveurs venaient d’achever. En entrant à la Bibliothèque, les planches dues au burin de Desnoyers par exemple ou les livraisons du Musée Napoléon n’avaient pas à subir le contact de ces produits vulgaires dont le flot submerge presque aujourd’hui les témoignages du talent ou de la pensée scientifique. Tout n’était pas, cela va sans dire, également précieux, également utile, parmi les pièces que le dépôt procurait alors au département des estampes ; mais il y avait là, ne fût-ce qu’en raison de la qualité des épreuves, un ensemble d’œuvres digne de l’hospitalité reçue. Ce qui devait plus tard n’être à peu près pour la Bibliothèque que la cause d’un encombrement périodique pouvait à bon droit paraître dans les premières années de ce siècle un moyen d’en augmenter les richesses et un élément de progrès.

Cependant quelques donations, quelques acquisitions plus ou moins importantes, avaient, depuis l’installation du dépôt, maintenu à côté de ce nouveau privilège les traditions auxquelles le département des estampes avait dû jusque-là sa prospérité et ses développemens continus. Dès l’année 1801, un négociant du Havre, M. Lamotte, lui faisait don de « 2,600 morceaux choisis parmi les plus estimés de sa collection. » En 1805, la mise en vente du cabinet de Saint-Yves permettait à Joly fils de réparer une partie des échecs subis par son père lors de la vente Mariette, et l’œuvre complet de chacun des deux Beham, plusieurs belles épreuves des planches gravées par Bolswert et par Masson, d’autres précieuses pièces encore qui avaient appartenu à Mariette, venaient ainsi combler après coup quelques lacunes et diminuer d’autant les regrets. Enfin en 1811 la vente d’une collection d’estampes formée à l’origine par Israël Silvestre, et incessamment augmentée depuis plus d’un siècle par les descendans de cet habile graveur, fournissait à la Bibliothèque l’occasion d’enrichir ou de compléter les œuvres des maigres les plus éminens des diverses écoles et d’acquérir à peu de frais un certain nombre de spécimens très intéressans de l’art au XVe siècle.

  1. An commencement du premier empire, le nombre des estampes déposées ne s’élevait pas au-dessus de 500 ou 600. Dix ans plus tard, le chiffre était à peu près quadruple, et vers 1830 il dépassait déjà 14,000. Aujourd’hui les dépôts annuels du département de la Seine et des autres départemens de la France produisent en moyenne un total de 20,000 pièces gravées, lithographiées ou photographiées.