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épreuves en noir qu’il faudrait étudier le Contraste simultané des couleurs par M. Chevreul, si la Bibliothèque n’avait à offrir au public que les exemplaires de ce savant ouvrage qui lui ont été transmis par le dépôt. Tout cela sans doute est aujourd’hui parfaitement licite, parfaitement conforme à la lettre des règlemens : au fond, est-ce raisonnable, est-ce juste ?

On préviendrait sûrement de pareils non-sens, on couperait court à de pareils abus en exigeant, non des imprimeurs, mais des éditeurs eux-mêmes, le dépôt de chaque ouvrage, et de chaque ouvrage dans l’état où il se trouvera au moment de la publication. Plus d’incertitude dès lors sur la destination des pièces gravées ou lithographiées pour accompagner un texte, puisque ces pièces cesseraient d’être fournies une à une, au fur et à mesure de l’impression, et qu’elles n’entreraient à la Bibliothèque qu’à la condition de faire déjà corps avec les volumes auxquels elles appartiennent. Plus de ces images inertes et muettes, de ces squelettes, pour ainsi dire, d’œuvres que devrait vivifier le coloris : les planches faites pour être coloriées ne prendraient place dans les collections de la Bibliothèque qu’après l’achèvement que leur aurait donné le pinceau, puisqu’elles seraient semblables de tous points à celles que l’éditeur mettrait dans le commerce. Enfin, quant aux épreuves des estampes proprement dites, des gravures en taille-douce ou à l’eau-forte intéressant à la fois la réputation des artistes qui les ont faites et l’instruction de ceux qui auront à les étudier, ne saurait-on par des mesures spéciales en subordonner l’acceptation à leur qualité même, aux garanties matérielles que ces épreuves présenteraient ? Dans l’état actuel des choses, il peut arriver et il arrive, — surtout quand il s’agit de pièces d’un certain prix, — que les épreuves les moins propres à séduire les acheteurs, celles qui ont été mal ou médiocrement tirées, deviennent précisément le lot des collections du gouvernement. De ce côté encore, une réforme serait urgente, et nous souhaiterions vivement qu’au lieu de continuer à payer un tribut banal dont la loi fixe seulement la quotité, les déposans à l’avenir fussent plus nettement mis en demeure de satisfaire aux conditions que, dans l’intérêt de l’art et des études, on a le droit d’exiger d’eux.

Ces inconvéniens du dépôt légal ne se sont d’ailleurs manifestés que peu à peu. Soit que dans la première ferveur de leur zèle les déposans tinssent à honneur d’assurer autant qu’il dépendrait d’eux les bienfaits de la nouvelle loi, soit qu’un contrôle administratif qui n’existe plus s’exerçât alors sur les épreuves déposées, — celles-ci apportaient à la Bibliothèque un contingent d’autant plus sérieux que le nombre des œuvres était plus restreint et l’esprit dans lequel elles avaient été faites moins dépendant des habitudes que devaient