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les exemplaires déposés ailleurs[1], les exemplaires destinés au département des estampes doivent être considérés comme représentant avant tout la cause de l’art et de l’étude. Aux termes de la législation actuelle, c’est à l’imprimeur qui les a tirées qu’incombe le devoir de fournir à la Bibliothèque les deux épreuves qui entreront dans ses collections. Or le dépôt de ces estampes, dont beaucoup ont été faites pour accompagner un texte, s’opère absolument à part du dépôt exigé de l’imprimeur du livre lui-même, d’où il résulte que, faute d’indications sur la destination des pièces, celles-ci se trouvent, au moins momentanément, séparées de l’ouvrage auquel elles appartiennent, et qui parfois a été imprimé à une autre époque ou dans un tout autre lieu ; mais ce n’est là encore qu’un des moindres inconvéniens du régime établi.

L’imprimeur, étant seul astreint au dépôt, ne peut et ne doit livrer les épreuves exigées que dans l’état où lui-même les a obtenues, c’est-à-dire sans les travaux complémentaires qui dans certains cas en détermineront l’aspect et en préciseront la signification. Qu’il s’agisse de pièces destinées à l’enluminure, de planches dont l’intérêt ou le caractère scientifique dépend nécessairement des couleurs qu’on emploiera pour le faire ressortir, peu importe : l’imprimeur se sera mis en règle en déposant les épreuves de ces planches telles que les aura données la pure opération de l’impression. Si, au lieu d’utiles documens de plus, la Bibliothèque n’arrive ainsi à posséder que quelques feuilles de papier noirci qui n’apprendront rien à personne, il lui faudra percevoir sans mot dire cet impôt stérile et reconnaître que les prescriptions de la loi ont été strictement respectées. On pourrait citer à ce sujet plus d’un fait étrange, plus d’un exemple de ce qu’ont parfois de dérisoire les prétendus enrichissemens dus à ce procédé légal. Tantôt c’est la série des Drapeaux et pavillons des différentes nations de l’Europe qui se présente sous la forme d’un recueil au trait, diversifié seulement par la direction ou l’épaisseur des lignes noires encadrant chaque espace promis au pinceau ; tantôt ce sont des vitraux, des mosaïques, des peintures décoratives, dont les ornemens ou les figures se réduisent également à quelques arides contours tracés par le crayon lithographique ou par le burin. Veut-on un exemple plus concluant encore ? Ce serait aussi sur des

  1. Aujourd’hui, outre les deux épreuves réglementaires pour la Bibliothèque, chaque imprimeur est tenu de déposer deux autres épreuves, dont l’une, appartenant au ministère de l’instruction publique, sert à renseigner l’état sur la nature de la pièce qu’on se propose de mettre en vente ; l’autre reste dans les archives du ministère de l’intérieur, où, en cas de contestation, elle consacre les droits du légitime propriétaire.