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probablement les 8 voix du Texas et les 15 du Missouri. Cette élection, qui semblait au début si compromise, est au contraire la plus éclatante victoire que le parti républicain ait depuis longtemps remportée. La coalition qui devait le renverser a au contraire resserré l’union de ce parti, et rassemblé de nouveau sous sa direction toutes les opinions sages et modérées.

Quant au général Grant, il reçoit de ses concitoyens un honneur bien rare, et qui n’a été conféré, depuis l’origine de la république, qu’à quatre présidens des États-Unis, Washington, Jefferson, Monroe et Lincoln. Il faut espérer qu’il saura profiter de ce pouvoir renouvelé et raffermi pour accomplir lui-même les réformes réclamées par ses adversaires. M. Greeley est rentré à la direction de la Tribune, qu’il n’aurait jamais dû quitter, et sans doute il y a rapporté des ambitions plus modestes et des idées plus saines sur la politique de son pays. Que le général Grant, en reprenant possession de la présidence, tire aussi de sa victoire la leçon quelle renferme ! Qu’il s’attache de plus en plus à satisfaire les justes plaintes de l’opinion publique, à poursuivre la corruption et la vénalité dans le gouvernement, à éviter les nominations administratives dictées par la faveur ou l’esprit de parti, à déshabituer le pays de mêler aux grands intérêts nationaux de mesquines considérations de personnes, à donner, s’il est possible, aux fonctions administratives dépendantes du gouvernement fédéral une stabilité qui empêche les élections présidentielles de dégénérer en combat pour la possession des places. Qu’il fasse, d’accord avec le congrès, cette réforme du service civil que M. Greeley n’aurait jamais faite, mais qu’il a promise avec tant de fracas, et il assurera au parti républicain une nouvelle prolongation de pouvoir plus que suffisante pour faire disparaître les dernières traces de la guerre civile et en effacer jusqu’au souvenir.

Si au contraire le parti républicain ne profite pas de sa victoire pour accomplir lui-même dans l’administration civile et financière les réformes sérieuses que l’opinion commence à demander, le parti démocratique s’en emparera certainement, et les fera prévaloir à son bénéfice. Dans les pays libres, soumis au gouvernement de l’opinion, les partis politiques ne sont pas, Dieu merci, des sectes fanatiques ou des castes inaccessibles ; ils ne mettent pas un fol orgueil et un absurde entêtement à ne jamais changer et à ne jamais céder aux faits accomplis. Ils mettent au contraire leur honneur et leur sagesse à se modifier tous les jours suivant le jeu de l’opinion publique et suivant les nécessités reconnues de leur époque. Ils ne cherchent pas seulement à prendre leur revanche et à se donner le plaisir d’une vengeance stérile ; ils cherchent surtout à se rendre