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leurs anciennes doctrines et contre l’abaissement de leur parti. Cette entreprise était naturellement encouragée et secondée avec ardeur par les républicains restés fidèles au général Grant, qui ne pouvaient que gagner à ces divisions. Du reste, également contraires aux deux candidats, les straight-out democrats ou les Bourbons, comme on les appelait encore, étaient en butte aux calomnies les plus diverses ; on les accusait tour à tour d’être à la solde de Grant ou à la solde de Greeley, soit pour affaiblir le gros du parti démocrate, soit pour grouper autour d’une candidature plus ou moins fictive ceux des démocrates à qui leur patriotisme et leur bon sens faisait encore préférer le général Grant. Cette double accusation était également fausse ; les straight-outs, comme l’indiquait leur nom, n’avaient d’autre tort que de marcher droit devant eux ; c’était une minorité honorable et obstinée qui s’acharnait, malgré sa faiblesse, à repousser un choix qu’elle regardait comme déshonnête et un compromis qui lui semblait honteux. Les straight-outs eussent sans doute été admirés, s’ils avaient été les plus forts ; mais, comme ils étaient les plus faibles, ils ne méritaient aucune indulgence, et l’on ne voyait en eux que des intrigans ou des fous.

Leur convention se réunit à Louisville le 3 septembre ; elle comprenait environ 500 délégués représentant vingt-cinq états. La Nouvelle-Angleterre était absente, ainsi que les états du Pacifique. Le colonel Blanton Duncan, un des premiers organisateurs de la convention de Cincinnati, ouvrit la session par un discours accusant M. Greeley et la convention de Baltimore « d’une odieuse trahison politique, » et déclarant que le vrai parti démocratique était dans le sein de la convention de Louisville. M. Levi S. Chatfield, nommé président temporaire, parla dans le même sens, protestant avec une égale énergie, au nom des principes démocratiques, contre les républicains et contre la candidature de Greeley. On tomba d’accord que, la convention de Baltimore ayant eu la faiblesse de nommer « un radical impénitent, » ses résolutions étaient nulles. M. James Lyons, de la Virginie, le même qui sept ans plus tôt s’était porté caution pour Jefferson Davis, fut nommé président, et exposa à la convention la tâche qu’elle avait à remplir, et qui consistait, suivant lui, à « battre une coalition impie. » Le nom du candidat qu’on voulait opposer à Greeley était déjà dans toutes les bouches : c’était celui de M. O’Connor, célèbre avocat de New-York, l’un des hommes les plus respectables et les plus importans du parti démocrate ; mais M. O’Connor, prévoyant cette candidature et ne se souciant pas d’entrer dans la vie publique, avait écrit d’avance à la convention pour refuser l’honneur qu’on voulait lui faire, tout en l’encourageant dans son entreprise et en résumant lui-même les principes qui lui semblaient devoir servir de base au programme de Louisville.