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l’administration du général Grant en nommant un nouveau candidat sérieusement libéral. Le général Schurz, MM. Cox, Bryant et David Wells avaient signé la convocation. Cette conférence se réunit le 21 juin à Fifth-Avenue-Hôtel. Les invités étaient au nombre d’environ 200 ; il y avait à peu près une centaine de personnes réunies, sous la présidence de M. Cox, de l’Ohio. Le petit nombre des assistant était largement compensé par leur importance personnelle ; on y voyait, outre MM. Bryant et Schurz, beaucoup des hommes politiques les plus distingués des États-Unis, comme MM. Trumbull, le général Dix, David Wells, le sénateur Rice, de l’Arkansas, et bien d’autres. C’était à peu près tout l’état-major du parti libéral ; même dans ce petit cénacle, on ne parvint pas à s’entendre. Après avoir longuement discouru, beaucoup et tumultueusement déclamé pour et contre Greeley, on se sépara convaincu qu’il n’y avait plus rien à faire. Les partisans de Greeley réussirent à faire ajourner toute décision, ce qui équivalait à l’abandon de l’entreprise. En sortant de la réunion, vingt personnes déterminées se rassemblèrent en étroit conciliabule, et désignèrent comme candidats libéraux à la présidence et à la vice-présidence MM. William Groesbeck, de l’Ohio, et Fred. Olmsted, de New-York ; ils rédigèrent également, séance tenante, une plate-forme libre-échangiste. Les deux personnages désignés refusèrent au plus vite cette candidature ridicule. Cette fois les libres échangistes durent s’avouer vaincus, et ils se résignèrent soit à voter pour Greeley, soit à s’abstenir entre deux candidats également contraires à leurs doctrines.

En même temps, il se faisait des efforts sérieux pour rassembler dans les centres industriels un grand parti du travail (labour-party) en dehors des cadres des partis officiels et au-dessus de tous les programmes purement politiques. Quoique la question sociale soit beaucoup plus simple aux États-Unis que sur le continent du vieux monde, grâce à l’abondante liberté politique qui y règne et au bon sens que cette liberté répand toujours dans les masses populaires, les ouvriers des manufactures ont formé depuis longtemps en Amérique de vastes coalitions ayant pour objet, soit de soutenir les grèves, soit de faire prévaloir et décréter par la loi ce qu’ils appellent « le principe » des huit heures de travail quotidien. Tous les partis, intéressés à se ménager l’alliance des associations ouvrières, flattent plus ou moins leurs erreurs, et s’emploient, dans la mesure du possible, à réaliser pratiquement les améliorations qu’elles réclament. Aussi ne jouent-elles qu’un rôle assez effacé dans la politique générale du pays, où elles servent d’instrumens électoraux aux partis qui s’en emparent. Cette fois les républicains avaient intérêt à les mettre en mouvement pour provoquer une division de plus dans le camp de leurs adversaires. Ils ressuscitèrent pour la