Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/524

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux intrigues du cabinet, il a commis et devait commettre plus d’une maladresse ; il a quelquefois agi avec une brusquerie militaire qui convenait mieux à un général d’armée qu’au premier magistrat civil d’une république. Il a pu faire, on l’en accuse du moins, de mauvaises nominations administratives, distribuer trop souvent les places lucratives à sa famille et à ses amis, tolérer autour de lui, par laisser-aller ou par inexpérience, quelques spéculations véreuses, et se livrer parfois imprudemment à ces associations politico-financières qui, sous le nom de rings, jouent un trop grand rôle dans le monde politique américain et jusque dans les deux chambres du congrès. Il a pu, comme le lui reproche le sénateur Trumbull, nommer son beau-frère, le général confédéré Longstreet, collecteur du port de la Nouvelle-Orléans, abuser de sa situation pour récompenser à tort et à travers des services ou des amitiés personnelles. Il a pu subir certaines influences financières, et faire à certaines compagnies des concessions de terre trop avantageuses au détriment du trésor public. Il a pu exercer avec trop de sévérité et outre-passer même dans les états du sud la rigoureuse application des lois du congrès. Il a pu surtout montrer une médiocre habileté diplomatique, entreprendre trop légèrement l’annexion de la République Dominicaine. Il a pu enfin, comme le lui reproche un des hommes les plus respectés des États-Unis, le sénateur Sumner, manquer d’égards envers la république noire d’Haïti, et oublier d’inviter à dîner avec ses collègues le représentant noir Frederick Douglass. Assurément les griefs ne manquent pas contre une administration qui a duré quatre ans, aux prises avec de grandes difficultés politiques, diplomatiques ou financières, et que les lois du congrès avaient armée d’un vaste pouvoir discrétionnaire dans les anciens états insurgés ; mais on ne saurait lui reprocher aucune faute grave, et la preuve que l’administration du général Grant a été bonne se trouve dans ce fait même, qu’on est obligé d’invoquer contre elle des griefs aussi mesquins ou aussi vulgaires.

Quoi qu’en disent aujourd’hui les adversaires politiques ou les ennemis personnels du général, ces quatre années n’ont pas été pour le gouvernement des États-Unis une époque de honte, de tyrannie et de corruption. Après tout, la paix a été maintenue et consolidée au dedans ; les états du sud, reconstruits suivant les lois du congrès, sont rentrés l’un après l’autre dans le giron de l’Union fédérale ; la privation des droits politiques a été maintenue contre un certain nombre d’anciens insurgés et d’anciens chefs de la confédération du sud ; l’amnistie a été appliquée graduellement à tous ceux qui en ont paru dignes. En même temps, d’importantes négociations diplomatiques ont été menées à bien, et l’épineuse