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nationale, avait voté une série d’amendemens constitutionnels réglant les conditions nouvelles du gouvernement des états, les conséquences de l’émancipation des noirs et l’admission obligatoire des affranchis au droit de suffrage dans tous les anciens états rebelles. Ces états, soumis provisoirement à l’autorité militaire, ne recouvraient l’exercice de leurs droits politiques et n’étaient admis à reconstruire leurs gouvernemens locaux qu’à mesure que leurs législatures auraient ratifié les amendemens constitutionnels votés par le congrès. Le congrès prenait ainsi des garanties contre le rétablissement possible des pouvoirs locaux, auteurs de la guerre civile, et contre la restauration indirecte de l’esclavage sous des prétextes ou des noms nouveaux. Le président Johnson au contraire, qui dans les premiers jours de sa présidence avait déployé contre les états du sud toutes les fureurs et toutes les sévérités d’un vainqueur implacable, était redevenu graduellement le protecteur des états rebelles, le théoricien des doctrines d’anarchie fédérative prêchées de tout temps par le parti démocrate sous le nom de states-rights, le chef de l’opposition démocratique à la majorité républicaine du congrès. Dans l’interminable duel législatif et judiciaire qui s’en était suivi, l’avantage était resté au congrès ; le président Johnson n’avait pu entraver sérieusement l’exécution des lois fédérales ; mais les radicaux, de leur côté, avaient échoué dans la mise en accusation du président. Plusieurs républicains modérés, s’inspirant en cela du sentiment public, s’étaient refusés à employer des rigueurs inutiles pour briser la résistance impuissante du pouvoir exécutif, et le président Johnson était sorti de son procès d’impeachment acquitté par ses juges, quoique perdu dans l’opinion publique. La grande convention électorale du parti républicain réunie à Chicago, persistant dans cette politique modérée, avait épousé la candidature du général Grant, toujours suspect aux radicaux à cause de ses opinions antérieures, et elle n’avait même point désigné pour la vice-présidence le président du sénat, M. Wade, dont les radicaux demandaient la nomination comme prix de leur adhésion à cette candidature. Une fraction considérable du parti républicain s’était montrée fort mécontente des choix de la convention de Chicago, et plusieurs voix éloquentes de l’opinion abolitioniste s’étaient élevées dès lors pour protester contre l’élection du général Grant.

Le général fut élu cependant avec les voix elles-mêmes des radicaux, qui, faute d’un candidat plus à leur convenance, se résignèrent à le nommer pour éviter l’élection du candidat démocratique, M. Horatio Seymour, ancien gouverneur de l’état de New-York pendant la guerre et l’un des chefs de ce parti copperhead, qui