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De l’été rayonnant et chaud je suis le verbe,
Et quand, las d’entasser la gerbe sur la gerbe
Les faucheurs, étendus sous l’ombrage attiédi,
Dorment, en haletant des ardeurs de midi,
Alors, plus que jamais, je dis, joyeuse et libre,
La strophe à double écho dont tout mon être vibre,
Et tandis que plus rien ne bouge aux alentours,
Je palpite, et je fais résonner mes tambours ;
La lumière triomphe, et dans la plaine entière
L’on n’entend que mon cri, gaîté de la lumière !

Comme le papillon, je puise au cœur des fleurs
L’eau pure qu’y laissa tomber la nuit en pleurs.
Je suis pur le soleil tout-puissant animée ;
Socrate m’écoutait, Virgile m’a nommée ;
Je suis l’insecte aimé du poète et des dieux.
L’ardent soleil se mire aux globes de mes yeux ;
Mon ventre roux, poudreux comme un beau fruit, ressemble
A quelque fin clavier d’argent et d’or, qui tremble ;
Mes quatre ailes aux nerfs délicats laissent voir,
Transparentes, le fin duvet de mon dos noir,
Et, comme l’astre au front inspiré du poète,
Trois rubis enchâssés reluisent sur ma tête.


II. LES TAMBOURINAIRES.


Ils sont deux. Un enfant, tout ravi, les précède,
Et marche à pas comptés, fier de porter sans aide
Un bâton que couronne un cercle horizontal
Où l’on a suspendu des choses en métal,
Montre et couvert et puis des écharpes en soies,
Les prix des jeux, ces prix qu’on appelle « les joies, »
Parmi lesquels reluit parfois, fort engageant,
Un saucisson à l’ail dans son papier d’argent.

L’enfant marche, et respire un peu d’air que dérange
L’écharpe balancée où frissonne une frange.
 
Un homme enfin les suit, souriant, et portant
Une corbeille en paille à fond rose éclatant.

Dès qu’ils ont pénétré sous la grande avenue,
Ils entament l’air gai d’une danse ingénue