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tales ; il ne suffit pas de moduler dans des réunions d’amis le cri de nos pères : « le roi est mort ! vive le roi ! » Qu’on montre une bonne fois comment on peut refaire cette monarchie. On a trop de patriotisme pour la vouloir par l’étranger, qui d’ailleurs ne s’en inquiète guère ; on ne peut pas compter sur la force pour la ramener, puisqu’on n’a pas cette force ; on ne peut certes pas l’attendre d’une manifestation de la souveraineté nationale, et on ne l’espère pas même d’un vote de l’assemblée. Si on ne peut pas rétablir la monarchie, si on ne veut pas de la république, que prétend-on faire alors ? On n’a pourtant pas le droit de laisser un pays dans ces énervantes perplexités devant l’inconnu, sous prétexte de maintenir une trêve que tous les partis se sont occupés à ruiner en croyant la tourner à leur profit. Ce n’est pas un système de conduite de se plaindre de tout et de tout empêcher.

Ce n’est pas une politique ou plutôt c’est la politique de l’aigreur, de la mauvaise humeur et de l’impuissance. Les légitimistes, qui auraient pu jouer le plus honorable rôle, sont en train, s’ils n’y prennent garde, de recommencer une vieille histoire et de céder au fatal esprit des partis extrêmes, qui ne reconnaissent que ce qui répond à leurs vues ou satisfait leur passion. Ne disait-on pas l’autre jour dans un banquet à Bordeaux que, si on était vaincu par une majorité favorable à la république, les royalistes auraient à délibérer avec eux-mêmes pour savoir s’ils devraient consentir à rester une minorité dans un régime dont ils auraient combattu l’avènement ? En d’autres termes, cela veut dire que, si la république, fût-ce une république de raison et de nécessité, restait le régime de la France, les royalistes devraient se retirer dans l’abstention, la fronde et la bouderie, ils ne pourraient consentir à être une minorité, et voilà comment on entend le respect de la souveraineté nationale, la soumission à la loi, la défense sociale indépendamment des formes politiques ! Tout ou rien, c’est l’éternel mot d’ordre des partis absolus, et c’est assurément le plus dangereux aujourd’hui. Les légitimistes, avant d’aller plus avant, ont à réfléchir sur les conséquences de cette politique qui, sans pouvoir rien fonder, emploierait ses efforts à empêcher ce qui est possible. M. Dahirel a ouvert le feu, dès la première séance de l’assemblée, en prenant ses précautions contre les projets de réformes constitutionnelles tendant à régulariser la république. Hier M. de Kerdrel, avec un esprit plus politique, mais dans une intention évidemment hostile au gouvernement, M. de Kerdrel a provoqué la nomination de cette commission qui doit examiner le message de M. Thiers et préparer une réponse. Les légitimistes se sont-ils demandé ou pouvait les conduire cette campagne qu’ils semblent vouloir entreprendre ? S’ils échouent, ils auront manifesté une fois de plus leur impuissance sans utilité pour leur drapeau, au risque d’excéder le pays ; s’ils réussissaient, s’ils provoquaient une crise, pensent-ils sérieusement