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Timocrate avait été conclue par-devant témoins, et ce serait en secret que les parties auraient annulé cette convention, que Timocrate et Onétor auraient l’un restitué le capital de la dot, l’autre remis à Aphobos ce même capital ! Est-ce vraisemblable ? « Jamais, ajoute l’orateur, jamais dans une affaire de ce genre on n’agit sans témoins. C’est pour cela que nous célébrons des noces et que nous invitons nos plus proches parens. Ce n’est pas peu de chose ; il s’agit de confier à un tiers l’existence de nos sœurs et de nos filles, et c’est plus que jamais le cas de prendre nos sûretés ! »

Au reste, le divorce, en suite duquel Onétor prétend avoir été conduit à réclamer d’Aphobos une garantie hypothécaire pour la restitution de la dot, n’a eu lieu que pour la forme ; en fait, la sœur d’Onétor est encore la femme d’Aphobos, les intérêts et les cœurs sont encore unis. En voici la preuve. Depuis que l’acte de divorce a été enregistré par l’archonte et l’inscription prise par Onétor sur le domaine, Aphobos a possédé et géré son bien aussi librement que par le passé ; après sa condamnation, il a pu sans obstacle le dégarnir, emporter les récoltes et tout le matériel d’exploitation, actes frauduleux auxquels Onétor n’aurait pas manqué de s’opposer, si les intérêts de sa sœur eussent été vraiment séparés de ceux d’Aphobos. Ce divorce aurait dû brouiller les deux beaux-frères ; tout au contraire, Onétor, dans le procès contre Démosthène, s’était montré le plus chaud partisan d’Aphobos. Enfin, n’était-il pas surprenant que la sœur d’un si riche citoyen, jeune et belle encore, depuis plus de trois ans que, selon ses adversaires, le divorce lui avait rendu la liberté, n’eût pas conclu d’autre mariage ? Jadis, après le premier divorce, a elle n’était pas restée un seul jour sans époux… » Aujourd’hui, quand tout concourt à rendre son alliance désirable, elle supporterait une solitude, un veuvage aussi prolongé ! Non, ce qui est vrai, c’est qu’Aphobos a encore auprès d’elle tous les privilèges d’un mari. D’ailleurs on n’en fait point mystère ; c’est ce que démontre le témoignage d’un médecin, Pasiphon, que fait entendre Démosthène. Tout récemment, Pasiphon a été appelé auprès de cette jeune femme. Qui a-t-il trouvé dans sa chambre, au chevet de son lit ? Aphobos en personne. Or, ce que n’ajoute point l’orateur, parce que, dans les idées et les mœurs athéniennes, la chose allait de soi, quel autre qu’un époux avait le droit de pénétrer dans le gynécée, nous allions dire dans le harem ? Était-il un plus clair indice du caractère des relations qui subsistaient entre Aphobos et la sœur d’Onétor ? Le doute serait encore moins permis, si Onétor avait laissé interroger les esclaves qui servent sa sœur ; Démosthène l’avait sommé d’y consentir, et la torture n’aurait point manqué d’arracher à ces femmes des aveux