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et par mois, c’est-à-dire 10 pour 100 par an. Aphobos aurait la jouissance de ce revenu. Dès le lendemain du mariage, dans le courant du même mois, Démosthène devenait majeur et commençait à inquiéter Aphobos ; deux ans plus tard, il déposait sa plainte, il entamait l’instance judiciaire. Ce fut alors que, vers la fin de la même année, Aphobos à son tour divorça. Aussitôt Onétor intervint comme représentant ou, suivant l’expression usitée, comme maître de sa sœur ; celle-ci, par la dissolution du mariage, retombait sous la tutelle de son frère. Comme si dans l’intervalle Aphobos eût reçu le capital de la dot et comme si cette dot eût été de 80 mines, Onétor prit sur la maison d’Aphobos une inscription de 20 mines, puis une autre de 60 mines sur le domaine de campagne. Quelque temps après, il fit disparaître la première borne, limitant ainsi au chiffre d’un talent la créance et l’hypothèque dotale.

Suivant Démosthène, tout cela n’est qu’une comédie concertée entre Aphobos et Onétor. La dot, affirme-t-il, n’a jamais été comptée au second mari, le divorce d’Aphobos n’a été qu’une feinte. Le point de départ de toute son argumentation, c’est l’accord intervenu lors du mariage pour laisser le capital de la dot entre les mains de Timocrate, accord qui ne paraît point avoir été contesté par la partie adverse. Ceci posé, il démontrait que, si le frère, par mesure de prudence, s’était abstenu de compter la dot au mari, par cela seul qu’au moment du contrat le procès était probable, il avait dû, à plus forte raison, persévérer depuis lors dans cette ligne de conduite. Aussitôt après le mariage, Démosthène faisait connaître son intention de poursuivre Aphobos, puis le procès s’engageait, puis enfin Aphobos était condamné ; lequel de ces momens Onétor, à moins d’avoir perdu la tête, aurait-il pu choisir pour opérer ce versement qu’il avait cru devoir suspendre quand son beau-frère était seulement menacé d’une instance judiciaire ? Alors en effet ce n’était point le manque de capitaux disponibles qui avait pu empêcher Timocrate de restituer la dot, ou bien Onétor, s’il l’avait reprise, de la remettre au mari. Timocrate a une fortune de 10 talens ; Onétor est bien plus riche encore, il possède la somme énorme de 30 talens. L’un et l’autre ont des maisons et des terres, ils prêtent de l’argent, ils ont des fonds chez les banquiers. Les précautions qu’Onétor a prises au moment du mariage ne s’expliquent donc que par la situation particulière d’Aphobos et la crainte du procès ; or depuis ce jour cette situation n’a fait que s’aggraver.

Cette considération devrait suffire à convaincre Onétor de mensonge ; mais Démosthène trouve encore, dans les dires mêmes de ses adversaires, de nouvelles raisons de les confondre. La convention en vertu de laquelle la dot devait rester entre les mains de