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quand on leur en faisait signe, les formules de la procédure civile ou criminelle, les actes judiciaires, les témoignages produits dans l’instruction, les lois invoquées par l’une ou l’autre des parties, les projets de décret. Ces hommes passaient dans ces emplois de longues années, souvent toute leur vie. Les services qu’ils rendaient étaient payés, tandis que ceux des magistrats étaient gratuits ; aussi ces écrivains, dont beaucoup étaient des affranchis, jouissaient-ils d’une assez médiocre considération, et parvenaient-ils rarement à jouer un rôle politique. En revanche, par la pratique, ils arrivaient à connaître mieux que personne la procédure et les lois attiques. C’était l’un d’entre eux, Nicomaque le scribe, que l’on avait chargé en 403, après le rétablissement de la démocratie, de diriger l’entreprise ordonnée par un décret de Tisamène, de faire transcrire à nouveau toutes les anciennes lois athéniennes, sans doute en les rangeant par ordre de matières et en écartant celles que les événemens ou des lois postérieures auraient implicitement abrogées. Un vote du peuple, après examen du sénat et d’une commission spéciale de nomothètes ou législateurs, choisis parmi les jurés de l’année, approuva ce travail, et remit en vigueur toutes les lois admises par Nicomaque ; les autres furent déclarées caduques. Au lendemain de cette révision, quand elle eut fixé dans une forme authentique les textes qui conservaient une valeur légale, on dut voir se multiplier, par les soins de ces scribes et à l’usage des logographes et des orateurs, les copies de ce que l’on pouvait appeler, sinon les codes athéniens, au moins le corps des lois athéniennes. Rien de plus facile ensuite, quand il y eut des lois nouvelles votées, que de les ajouter à la fin du volume, et de tenir ainsi la copie au courant, comme on fait les éditions successives de nos codes. Si quelqu’un à Athènes possédait alors un exemplaire complet des lois attiques, c’était certainement Isée, et personne, j’imagine, ne le feuilletait plus assidûment.

Cela même ne suffisait pas : à Athènes comme ailleurs, il se présentait souvent des espèces que le législateur semblait n’avoir point prévues ; c’était alors aux juges, comme le leur dit l’orateur Lycurgue au début de son discours contre Léocrate, de suppléer à cet oubli et par leur arrêt, de fixer la loi pour l’avenir. Il y avait donc souvent intérêt à consulter la jurisprudence, comme on dirait aujourd’hui, et à se prévaloir devant le jury des décisions rendues dans des affaires antérieures. Par quels moyens et dans quelle mesure l’autorité publique avait-elle pourvu à la conservation des actes judiciaires ou tout au moins des jugemens ? Nous l’ignorons. En matière criminelle, la sentence rendue contre un grand coupable était souvent gravée sur une stèle ; mais, en matière civile, laissait-on aux intéressés le soin de réclamer et de garder une expédition