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appartient à César ? » La Bible, plus explicite, consacrait, dans les Psaumes et l’Ecclésiaste, l’absolutisme des rois ; mais le christianisme, qui ne reconnaissait qu’un Dieu, était, à l’époque de Constantin, divisé par les hérésies et par les schismes. Constantin poursuivit les partis religieux comme il avait poursuivi les partis politiques. Le catholicisme fut dans sa pensée l’achèvement providentiel de la romanité. Il arrêta d’une manière définitive l’organisation ecclésiastique et l’organisation politique de l’empire. L’état eut son consistorium sacrum, ses ministres, ses préfets, ses ducs et ses comtes ; l’église, son concile œcuménique, ses patriarches, ses métropolitains, ses évêques, ses prêtres et ses diacres. A la hiérarchie impériale correspondit ainsi la hiérarchie divine. Le Seigneur avait son lot, son clergé, qui se gouvernait d’une manière démocratique, mais sous le contrôle rigoureux du souverain, investi du droit de confirmer les évêques. Le lot exclusif de l’empereur, c’étaient les fonctionnaires civils et militaires, qui exécutaient ses moindres volontés. Tout-puissant et sacré, comme le Dieu unique et immatériel avec lequel il faisait cause commune, Constantin unissait dans son gouvernement et dans sa personne les maximes romaines, orientales et chrétiennes. Le pouvoir impérial allait acquérir, grâce à cette fusion surprenante, ce qui lui avait manqué jusqu’alors, une formule précise, et, comme régulateur suprême, l’état possédait Constantinople, la ville mère, la métropole. Nous voyons ici, nous touchons le byzantinisme.

Néanmoins Constantinople ne put pas être dès le premier jour une cité homogène ; elle fut incapable tout d’abord d’imprimer au monde une direction bien déterminée. Des nuées de Romains et de Grecs, de courtisans et d’ecclésiastiques, s’y pressaient autour de l’empereur, ourdissaient mille intrigues opposées, et empêchaient ainsi le développement d’un plan régulier. La transition de l’ancien au nouvel ordre de choses commandait une extrême prudence. Si Constantin réservait toutes ses faveurs aux ministres du christianisme, il restait lui-même le souverain pontife du paganisme. Si dans ses actes officiels il n’invoquait plus Jupiter et Apollon, il n’invoquait pas encore Jésus-Christ. Pour ne heurter aucune opinion religieuse, il rendait hommage, d’une manière abstraite et peu compromettant, à la Divinité. Ces prêtres chrétiens qui l’approchaient, il constatait avec effroi leurs profonds dissentimens. Peu versé dans la théologie, bien que très mystique, il hésitait à se prononcer entre Arius et Athanase. De quel côté se trouvait l’hérésie ? d’où partait le schisme ? Voilà les questions qu’il se posait. Il avait tout d’abord accepté le symbole de Nicée ; mais vers la fin de son existence il crut démêler que les ariens, courtisans plus obséquieux