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l’ennui. De cette manière de voir, qui honore le penseur et l’artiste, sont nés ces récits de l’histoire romaine au Ve siècle, si dignes de leurs admirables modèles, les Récits mérovingiens. On eut ainsi deux séries, la série romaine et la série byzantine. D’un côté se rangèrent Stilicon, Alaric, Ricimer, Odoacre, Théodoric, de l’autre Rufin, Eutrope, Attila. En face du Latin Jérôme prit place le Grec Chrysostome.

A la lecture d’Eutrope et de Saint Jean Chrysostome, la pensée nous est venue que dès la fin du IVe siècle les élémens constitutifs de la société et de l’état byzantins avaient par leur amalgame produit un régime très nettement défini. D’autre part, la trame est encore assez lâche pour qu’on puisse distinguer les fils qui concourent à la former. Ressaisir autant que possible tous ces fils, tous ces élémens, voilà ce que se propose cette étude.


II

Pour comprendre le bas-empire, il faut le considérer en quelque sorte comme la synthèse de l’antiquité. La Grèce et Rome, l’Orient et l’Occident, le despotisme et l’administration, le polythéisme et le christianisme, la philosophie et le droit, la rhétorique et la science, s’y sont, à doses inégales, mélangés et combinés. Le produit de cet amalgame, c’est Byzance. Pour présenter une image moins flatteuse, mais plus exacte peut-être, on pourrait dire que Byzance est le résidu qui s’est trouvé au fond du creuset où tant d’élémens divers s’étaient précipités. Cette idée générale admise, — et on ne peut pas ne pas l’admettre, — l’empire byzantin cesse d’être une énigme : il apparaît comme un phénomène que la science a le devoir d’expliquer. Suivre dans son évolution continue la civilisation ancienne, c’est expliquer en réalité les origines et la formation du bas-empire. On remonte ainsi à la source des idées, des mœurs, des institutions, dont le bas-empire a été précisément la résultante.

Comme point de départ, nous prendrons la Grèce primitive, telle qu’elle se montre immédiatement après l’invasion des Ioniens et des Doriens ; nous la traiterons comme un corps simple que des alliages viennent successivement altérer. Or la Grèce primitive et simple, c’est, si l’on veut, celle que nous révèlent Hésiode et Homère. La poésie et le polythéisme y jaillissent d’une source unique. La rhétorique, la sophistique, sont des produits plus tardifs, spontanés et nationaux néanmoins. Tel est à son origine l’arbre sur lequel tant de greffes allaient être pratiquées. Tout le monde en a admiré et savouré les fruits.

Nous marquerons : 1° la transformation des Hellènes au contact