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la vieillesse, ouvraient leurs portes toutes grandes aux malades frappés d’affection mentale, mais le service n’y fut définitivement bien organisé qu’en 1807.

La direction médicale de Bicêtre appartenait en 1833 à Ferrus, qui, ayant reconnu que le travail manuel était favorable aux malades, obtint que l’administration de l’assistance publique consacrât à une exploitation exclusivement servie par les aliénés la ferme Sainte-Anne, d’une contenance de 5 hectares, qu’elle possédait à la lisière même du mur d’enceinte de Paris, près la barrière de la Santé. On y établit quelques cultures maraîchères, une blanchisserie pour le linge des hôpitaux et une porcherie qui compta parfois jusqu’à 700 têtes. Loin d’être une source de bénéfices, cette exploitation se soldait tous les ans par un déficit qui variait entre 7,000 et 34,000 francs ; mais les fous en retiraient un bien-être appréciable, trouvaient au grand air des occupations faciles, une activité physique qui reposait leur cerveau et des distractions qu’on ne saurait trop leur prodiguer. En résumé, la ferme Sainte-Anne n’était point une maison particulière, elle restait simplement une annexe de Bicêtre. Les choses demeurèrent dans cet état jusqu’en 1860. M. Haussmann, alors préfet de la Seine, comprenant que les 2,195 places gardées pour les fous à Bicêtre et à la Salpêtrière étaient insuffisantes en présence d’une population d’aliénés qui s’élève à plus de 6,000 individus, exprima l’intention de faire construire dix asiles de 600 lits chacun : la dépense totale était évaluée à 70 millions. Ce projet grandiose et très humain n’a reçu qu’un commencement d’exécution par la construction de trois vastes asiles, Sainte-Anne, Ville-Évrard et Vaucluse, et l’on s’est vu obligé de changer la destination primitivement attribuée à deux de ces établissemens : Sainte-Anne devait être un hôpital clinique pour l’aliénation mentale, Ville-Évrard était réservée à une maison de convalescence où le malade eût trouvé la transition indispensable entre la vie disciplinée de l’asile et la vie libre. Aujourd’hui Sainte-Anne, Ville-Évrard et Vaucluse sont des asiles où l’on reçoit indifféremment toute sorte d’affections mentales., récentes, anciennes, intermittentes, chroniques, curables ou incurables.

Sur le boulevard Saint-Jacques s’ouvre la rue Ferrus, qui débouche dans la rue Cabanis, en face d’une grande grille par laquelle on pénètre dans l’ancienne ferme, devenue l’asile Sainte-Anne. Un vaste bâtiment servait autrefois de bureau central, avant qu’on n’eût abandonné le système des placemens volontaires, auxquels on reviendra certainement ; il sert de logement au médecin résidant et au médecin adjoint, mais il pourrait être utilisé d’une façon normale à recevoir les malades expédiés d’urgence par les hôpitaux, dont le plus. souvent le délire revêt la forme de l’aliénation sans