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Les trois sociétés dont nous venons de parler sont appelées du même nom, société de crédit ; en réalité, elles se livrent à des opérations très différentes, et il est sans doute utile d’entrer à cet égard dans quelques détails. Il faut avant tout distinguer deux sortes d’opérations, les opérations financières proprement dites et les opérations de crédit, de même que parmi les hommes d’affaires on appelle les uns financiers, les autres banquiers. La vraie société de crédit, telle que des habitudes récentes l’ont constituée, est celle qui reçoit les ressources du public, qui s’adresse directement à lui, encaisse son argent et ses titres, et les fait fructifier. En Angleterre, les sociétés qui reçoivent l’argent du public ne gardent point les titres, ne touchent pas les coupons et paient peu ou point d’intérêt ; comme contre-partie de ces ressources encaissées, elles font de l’escompte et des prêts. Les banques de crédit en France s’emploient bien mieux au service du public ; mais, comme cette tâche est onéreuse, elles sont obligées, pour payer les intérêts aux tiers et rémunérer leurs actionnaires, de recourir à des opérations qui constituent des aléas redoutables ; elles rentrent ainsi dans le cercle d’activité des sociétés financières proprement dites. Celles-ci se livrent aux négociations avec les gouvernemens et les corporations civiles ou industrielles : elles abordent les spéculations sur les fonds publics ou autres ; comme elles fuient toute responsabilité vis-à-vis du public en général, qu’elles ne sont pas exposées aux remboursemens immédiats des avances faites, ces sociétés financières ne craignent pas d’immobiliser dans les spéculations et les engagemens à terme des ressources considérables avec l’espoir de gros bénéfices. La fortune, en les trompant, ne frapperait que leurs actionnaires ; le désastre d’une grande société de crédit aurait des conséquences bien plus funestes, puisqu’en dehors des actionnaires il atteindrait un nombre plus ou moins élevé de déposans. Là où les administrateurs de sociétés financières ont surtout besoin d’habileté, ceux des sociétés de crédit doivent déployer tout à la fois de l’habileté et de la prudence. Le rôle d’une société comme la Banque de Paris et des Pays-Bas peut avoir plus d’éclat, celui de la Société générale présente bien autrement de difficultés.

Les détails que nous avons donnés plus haut sur l’administration de la Société générale belge permettront au lecteur de faire des comparaisons utiles avec ce qui se passe chez nous et de discerner quelles mesures utiles on pourrait lui emprunter. Il est vraisemblable, en dépit de la résistance que des habitudes anciennes opposent ici aux innovations, que les progrès de notre éducation financière marcheront d’un pas plus rapide. Nous avons eu déjà sujet de regretter que, pour un des modes de crédit les plus recommandâmes, la pratique des assurances sur la vie, notre pays fût