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Or ce qu’il importe de noter, c’est que les banques anglaises ne se mêlent point de spéculation ; les opérations de bourse, celles qui consistent à former des syndicats pour lancer des opérations financières, à faire des émissions de valeurs, ne leur sont pas seulement étrangères, mais porteraient atteinte à leur crédit. Elles se bornent aux affaires de banque proprement dites, elles sont les caissiers du public, elles prennent l’argent de ceux qui en ont, et l’emploient en escomptant les billets du commerce ou en ouvrant des crédits aux industriels et aux agriculteurs. Ce dernier genre d’opérations se fait sur une échelle immense, sans analogue chez nous. Les banques de Londres font le service de caisse de toutes les maisons respectables de la métropole, dont elles gardent sans intérêt un solde plus ou moins important. L’emploi qu’elles en font constitue leur bénéfice. Elles reçoivent aussi du public, comme toutes les banques de province, des dépôts d’argent dont elles donnent un intérêt inférieur au taux légal, et dont elles disposent pour des escomptes, des prêts sur nantissemens ou des reports sur valeurs de bourse. Comment se fait-il que ces opérations, qui passent chez nous pour ne pas procurer à nos institutions de crédit des bénéfices suffisans, assurent de l’autre côté du détroit aux banques par actions une prospérité si grande ? Cela tient à la différence des mœurs financières des deux pays. Dans le royaume-uni, aucun particulier ne garde chez lui la moindre somme de numéraire ; toute épargne est confiée aux banques et toute avance leur est demandée. Les opérations les plus importantes se soldant presque sans bourse délier, le capital, qui ne sert plus à payer les consommations faites, s’emploie à surexciter l’activité de la production. L’argent moins nécessaire d’un côté se paie moins cher d’un autre, ou on le prête plus souvent. La multiplicité des affaires et la rapidité de la circulation substituent aux gros bénéfices des bénéfices renouvelés. Le crédit obtenu avec moins de difficulté rend le gain plus facile ; aussi les avances consenties rentrent. avec exactitude, les effets se paient avec une grande régularité, et les banques de Londres, dont le portefeuille est rempli des effets de la province, ne les réescomptent jamais. Il arrive donc que les ressources mises à leur disposition par les dépôts dépassent énormément leur capital, et que l’emploi fréquent de ces ressources procure des bénéfices assurés. Pour la London and Westminster Bank en 1871, les dépôts et acceptations ont dépassé 23 millions de livres contre 3 millions seulement de capital, pour la Joint-stock Bank 14 millions contre 1,600,000 liv., pour la London and County et l’Union 17 et 16 millions contre 1,500,000 livres de capital. Par conséquent, lorsque la première n’a gagné que 1. 39 pour 100 sur l’ensemble de ses ressources employées, la seconde 1.74, la troisième 0.97 seulement et la quatrième. 1.40